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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 mai 1854.

Dans un temps comme le nôtre, si fécond en événemens, où les âmes ont eu à passer par tant d’impressions diverses et également puissantes, il n’en restait plus qu’une à subir pour les générations venues depuis l’empire, — la forte et saisissante impression d’une grande guerre, — et celle-là même ne leur est point épargnée ! La paix avait créé tant d’intérêts dont elle avait fait ses complices, elle avait imprimé à l’activité universelle un cours si différent, que, même sous le coup des derniers efforts de négociations devenues inutiles, on n’y pouvait croire, il y a même des esprits qui n’y croient point encore, et cependant les premiers coups de canon dans la Mer-Noire sont venus marquer le terme fatal de cette trêve de quarante années. Jusqu’ici, c’était une guerre déclarée, préparée si l’on veut ; aujourd’hui c’est une guerre commencée, — et, chose étrange, cette paix continentale, que, les récens bouleversemens révolutionnaires avaient laissée intacte, c’est par la main de gouvememens réguliers qu’elle est rompue ! Comment l’Europe en est-elle venue à ce point ? Il n’a fallu rien moins qu’une question de sécurité universelle, et il ne fallait certainement rien moins que cela après les événemens de ces dernières années, après la résurrection de l’empire dans notre pays, pour réunir sur un même terrain, nous ne disons pas encore sur le même champ de bataille l’Angleterre, la France, l’Autriche et la Prusse. Si l’empereur Nicolas eût été moins aveuglé par une pensée fixe, il eût pu voir se former cette solidarité européenne dès la première conférence de Vienne et observer dès lors que derrière la Turquie il y avait l’Occident. Telle est aujourd’hui l’extrémité où il s’est placé volontairement, qu’il est forcé de se couvrir aux yeux de son peuple, en donnant à la guerre qu’il soutient une couleur plus menaçante encore pour l’Europe, en s’armant publiquement de toutes les passions qui rêvent l’assaut du monde religieux oriental contre le monde occidental. « La Russie, dit-il dans son dernier manifeste, déviera-t-elle du but sacré qui lui est assigné par la divine Providence ? La Russie, n’a point oublié Dieu ;… elle combat pour la foi chrétienne… Nobiscum