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qui en modifient les conditions que le sénat a fini par le ratifier dans ses clauses essentielles. Le traité ainsi amendé comprend toujours la cession de territoire, termine la discussion au sujet de la vallée de Messilla, et maintient le droit de transit à travers l’isthme de Tehuantepec. Une somme de 10 millions de dollars devra être payée au Mexique comme indemnité. Ce qui peut en revenir de plus clair à la république mexicaine, c’est de toucher 10 millions de dollars et de se retrouver en paix avec les États-Unis. Un autre fait qui tient en éveil les passions américaines, c’est le traitement qu’a eu à subir à La Havane le vaisseau le Black-Warrior. Le capitaine du Black-Warrior était-il dans son droit, comme le soutiennent les Américains ? Les autorités espagnoles au contraire étaient-elles fondées à lui imposer une amende pour violation des lois de douanes ? C’est là justement la question que les assertions contradictoires du consul des États-Unis à La Havane et du capitaine-général de Cuba ne font que rendre plus incertaine. Mais n’est-il pas évident qu’un tel incident eut eu infiniment moins d’importance sans toutes les passions toujours prêtes à se déchaîner en Amérique dès qu’il s’agit de Cuba et sans les doctrines avouées par le gouvernement lui-même, forcément amené à y conformer sa conduite ? Qu’est-il arrivé en effet ? Avant même que la question ne fut déférée au gouvernement espagnol, le président de l’Union, M. Franklin Pierce, en a fait l’objet d’un message menaçant. Le commodore Newton, qui s’est rendu devant La Havane, a refusé de saluer le pavillon espagnol, tandis qu’on voyait renaître toutes les convoitises disciplinées dans cette société de l’Etoile solitaire, organisée, on peut s’en souvenir, dans la pensée d’arriver à l’annexion de Cuba. Aujourd’hui la solution de cette question, rendue plus difficile par ces circonstances mêmes, dépend entièrement des négociations ouvertes à Madrid par le ministre des États-Unis, M. Soulé. Quoi qu’il en soit, tant qu’elle ne sera point résolue directement entre les deux gouvernemens ou par une médiation, c’est certainement une des difficultés les plus graves, comme toutes celles qui touchent aux relations des États-Unis et de l’Espagne au sujet de Cuba. Et comme il faut qu’au milieu de tout ce mouvement de la vie américaine les excentricités aient toujours leur place, voici que les tables tournantes ont eu leur séance solennelle au sénat. Une pétition rouverte de quinze mille signatures demandait la nomination d’un comité chargé de procéder à une enquête. Les tables tournantes, comme on voit, ont leur merveilleuse fortune. Seulement aux États-Unis l’esprit occulte prend bien d’autres formes qu’une table. Il se manifeste parfois par des lueurs inexplicables ou par des sons mystérieux qui ressemblent à volonté au murmure du vent, au grondement du tonnerre, à la voix humaine ou à un instrument de musique ; d’autres fois il interrompt les fonctions animales, et même il va jusqu’à guérir les maladies les plus incurables. C’est sur ces faits qu’un sénateur, M. Shields, a fait un long rapport qui n’a point laissé d’égayer l’auditoire, et M. Shields a eu la conscience ou la hardiesse d’avouer que l’empire de semblables aberrations dénotait un système défectueux d’éducation ou un dérangement partiel des facultés intellectuelles produit par quelque désorganisation physique, c’est avec cette irrévérence que M. Shields a traité une des merveilles de notre temps. ch. de mazade.