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devait nécessairement encourager la résistance du sultan ; sa neutralité n’a pas toujours été impartiale ; ses vœux penchaient évidemment en faveur de la Turquie ; le langage de ses feuilles publiques dénigrait nos succès et exagérait quelques rêvera insignifians que nous avions éprouvés. Ajoutez à ces moyens indirects employés contre nous des arméniens si inopportuns dans les circonstances où ils ont eu lieu, et l’on conçoit que la Porte se soit souvent livrée aux plus dangereuses illusions, et qu’elle ait entrevu dans les dispositions de l’Autriche les chances d’une puissante diversion… Que l’Autriche renonce donc enfin à la politique déplorable qu’elle a suivie jusqu’ici… Notre auguste maître aime à considérer comme un retour à des relations moins pénibles les réponses que votre excellence a obtenues à nos dernières ouvertures[1]. » Telle fut la politique autrichienne dans la crise qui dura de 1821 à 1829. Cette politique fut vaincue par l’abandon de la France. Par un admirable retour des intérêts et des idées, c’est à cette même politique que la France vient, en l’adoptant, fournir, après vingt-cinq années, une triomphante revanche.

L’intérêt et la tradition politique de l’Autriche la rattachaient donc nécessairement et d’avance à la politique loyale, intelligente et vigoureuse opposée par les puissances maritimes aux agressions récentes de la Russie contre l’empire ottoman. Si l’Autriche eût été en 1853 aussi libre de son action qu’en 1825 nul doute qu’elle ne se fut ouvertement et sur-le-champ associée aux mesures les plus décisives de la France. Au lieu de suivre le mouvement, c’est elle plutôt qui en eût pris l’initiative. Malheureusement l’Autriche, au moment où la mission du prince Menchikof fit éclater les complications actuelles, n’avait pas une position aussi simple, aussi dégagée, aussi forte en apparence qu’avant 1830. Reportons-nous à la situation où la trouva l’explosion des prétentions russes au printemps de l’année dernière. Si nous rappelons son point de départ, ce n’est point pour déprécier son gouvernement, au contraire c’est pour mesurer avec précision et impartialité les pas qu’elle a faits vers nous et avec nous et en mieux calculer l’importance.

Au commencement de 1853, l’Autriche était encore tout entière sous l’impression de la crise révolutionnaire de 1848 et 1849 et des obligations que cette crise l’avait obligée de contracter envers la Russie. Le seul péril dont elle fût préoccupée et contre lequel elle crût devoir se tenir en garde était toujours le péril des révolutions. Quoique fortifiée et rassurée de jour en jour davantage contre ce péril, l’Autriche restait dans l’ordre d’idées où l’avait laissée la

  1. 24 février 1829. Portfolio, t. IV, p. 8 et 9.