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ce temps-là fait un pas nouveau. Les relations diplomatiques étaient rompues entre la Russie et les puissances maritimes. De jour en jour les événemens allaient se précipiter. Tandis que la France et l’Angleterre devaient se préparer à toutes les conséquences d’une rupture déjà consommée, l’Autriche, dont la situation était si profondément altérée vis-à-vis de la Russie, avait à songer aussi à prendre moins ostensiblement, moins directement sans doute des mesures tendant au même but. Il ne s’agissait plus d’arrêter sa marche au jour le jour ; il fallait se tenir prêt pour des éventualités si probables, qu’on pouvait presque les regarder comme réalisées. L’Autriche, puissance allemande, devait songer à régler ses affaires avec l’Allemagne. Il était d’un intérêt immense pour elle et pour l’Europe de n’entrer dans la lutte qu’avec le concours de la confédération. Il lui fallait pour cela des arrangemens avec la Prusse. Les deux grandes puissances, se présentant à la diète unies d’avance, obtiendraient sans doute de l’Allemagne un blanc-seing pour la défense des intérêts généraux de l’Europe. On pouvait craindre de ce côté une légère opposition de deux états secondaires, la Saxe et le Wurtemberg : la Saxe gouvernée par un homme d’état, M. de Beust, qui s’est fait le ministre de l’empereur de Russie ; le Wurtemberg, étroitement uni à la cour de Pétersbourg par des liens de famille, feraient peut-être marchander un peu leur concours, croyant augmenter ainsi leur importance ; mais ces deux états secondaires seraient obligés de suivre le mouvement des grandes puissances. Au point de vue militaire, l’Autriche avait à se renforcer du côté de la Servie, pour empêcher les Russes de franchir le Danube sur le territoire de la principauté, et pour y maintenir l’état politique actuel contre des soulèvemens intérieurs ; elle devait placer une forte armée sur la frontière de la Transylvanie, autour de Cronstadt, à cet angle stratégique qui s’avance, comme pour l’étrangler, sur la gorge de la Moldo-Valachie, vrai point vulnérable d’une armée russe qui oserait marcher aux Balkans, avec l’Autriche pour ennemie. Elle devait prévoir aussi le moment où une intervention serait nécessaire pour contenir les insurrections grecques. Tel était à vol d’oiseau l’ensemble des mesures auxquelles l’Autriche avait à réfléchir ou à mettre immédiatement la main pour assurer sa liberté d’action ou l’efficacité de cette action le jour où elle serait appelée à l’exercer.

L’Autriche avait en outre un autre acte, d’un caractère européen, à concerter avec la France, l’Angleterre et la Prusse. Deux des puissances représentées à la conférence allaient entrer en guerre avec la Russie ; c’était le moment de couronner les travaux de la conférence par une convention à quatre qui proclamât avec plus de solennité les principes communs à ces puissances et la persistance de leur union sur le terrain de ces principes, malgré la différence