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Amené là par l’appréciation de ses intérêts, par le progrès des événemens, par la loyauté de la France et de l’Angleterre, et, — en face d’une révolution diplomatique aussi grandiose, qui change en Allemagne un système d’alliances de quarante années et qui déplace si heureusement l’axe politique de l’Europe, — il est permis aussi de le dire, — conduit dans cet ordre d’idées par l’habileté vigilante de la politique française, si bien secondée par la vigueur anglaise, — le cabinet autrichien n’a plus eu qu’à se préparer aux décisions plus fermes et plus voisines de l’action que sa pensée avait déjà embrassées. Dans cette direction, les deux affaires qui se présentaient en première ligne étaient la conclusion de la convention de principes projetée entre les puissances qui avaient participé à la conférence de Vienne, et le règlement des questions politiques et militaires que l’Autriche avait besoin de fixer en Allemagne pour assurer sa liberté d’action sur le Danube.

L’Autriche, nous l’avons vu, n’avait pas seulement accepté le projet de convention, elle l’avait renforcé. Malheureusement, quand il fallut conclure, la Prusse refusa sa signature. Voici les motifs qu’elle allégua. Ce n’était pas le fond, c’était la forme de cet acte qui effarouchait la Prusse. Quant aux principes énoncés dans le projet, le cabinet de Merlin déclarait qu’il y adhérait sans réserve ; mais, tout résolu qu’il fût à maintenir ces principes, le roi de Prusse avait des objections personnelles quant à la forme. On sait que la forme de convention donnée à un engagement entre plusieurs puissances exige la signature personnelle des souverains. Le roi de Prusse, à cause des liens de parenté et d’amitié qui l’unissent à l’empereur Nicolas, éprouvait un scrupule insurmontable à mettre sa signature personnelle sur un acte dont les conséquences extrêmes, suivant sa conviction, l’obligeraient éventuellement à déclarer la guerre à son propre beau-frère. On fut obligé de s’arrêter devant cet obstacle que l’obstination inconséquente du roi de Prusse rendit invincible. Fallait-il passer outre, laisser la Prusse en dehors et signer la convention à trois ? Cette marche plus rapide présentait des inconvéniens considérables. Elle eût constaté publiquement un premier désaccord dans l’alliance des quatre puissances et porté une atteinte morale à la cause de l’Europe. Elle eût consacré la division de l’Allemagne, donné un drapeau national et allemand aux partisans de l’alliance russe dans la confédération, rendu une importance menaçante à une opposition actuellement peu nombreuse et peu redoutable : ce que l’on eût gagné en rapidité d’un côté eût été perdu par les embarras allemands qui auraient entravé et ralenti l’Autriche. Il fallut s’armer encore une fois de patience et tourner la difficulté. À la forme conventionnelle il n’y avait qu’à substituer la forme du protocole, qui