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que toute la question roulait sur l’appréciation des chances de succès, — que Murat se résignerait probablement à la perte de sa couronne si on lui offrait de bonnes conditions, que dans le cas contraire c’était la France qui devait se charger de l’expulser ; qu’il y avait peu de secours à attendre de l’Espagne ; que l’Angleterre pourrait bloquer les côtes napolitaines, et la Russie fournir quelques troupes ; que la résistance de l’Autriche ne pouvait être sérieuse, qu’elle tenait uniquement à une sorte de respect humain, peut-être à la crainte de voir les Français entrer en Italie, mais qu’il n’était pas impossible de lui donner des garanties à cet égard. En réalité, les résolutions de l’Angleterre étaient si peu arrêtées a cette époque, que lord Castlereagh, examinant ce qu’on pourrait faire des Iles-Ioniennes, qui n’avaient pas encore été placées sous le protectorat britannique, parlait de les réserver comme une indemnité a accorder aux Bourbons de Sicile dans l’hypothèse où Murat resterait à Naples.

La persévérance du gouvernement français, qui ne cessait d’insister pour la restauration de la branche napolitaine de la maison de Bourbon, finit cependant par prévaloir, comme elle avait prévalu dans la question de Saxe. L’Autriche, ainsi que l’avait prévu lord Liverpool, se laissa amener à accepter un projet qui consistait à offrir à Murat, pour prix de son abdication volontaire, de larges immunités pécuniaires dont la France devait faire les frais. En cas de refus, on aurait eu recours à la force ; mais avant qu’on eût pu faire les démarches qui devaient en précéder et en motiver l’emploi, Murat, comprenant qu’il n’avait plus rien à attendre, pour le maintien de sa royauté, des moyens de conciliation, s’était décidé à prendre les armes, appelant les Italiens à secouer le joug de l’Autriche et à reconquérir leur indépendance. On sait le résultat de cette tentative désespérée, qui lui enleva en quelques semaines le trône auquel il avait fait de si pénibles sacrifices et bientôt après lui coûta la vie.


II

Lorsque ces graves événemens s’accomplirent, le retentissement s’en perdit en quelque sorte dans le tumulte des orages auxquels l’Europe était de nouveau livrée : le 20 mars avait rallumé la guerre universelle.

J’ai dit que la satisfaction presque générale qu’avait d’abord produite en France la restauration de l’ancienne royauté ou, pour mieux dire, le retour de la paix n’avait pas été de longue durée. Tant de fonctionnaires, de généraux, d’officiers dont la carrière se trouvait brisée et la fortune détruite par la perte de leurs emplois et de leurs dotations, ne pouvaient manquer de former bientôt une masse