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les partis révolutionnaire et constitutionnel réunis contre lui dans des vues d’ailleurs bien diverses ; — le 3 juillet, les Anglais et les Prussiens prenaient possession de Paris en vertu d’une capitulation militaire, et le 8 du même mois Louis XVIII rentrait aux Tuileries.


III

L’année précédente, l’empereur Alexandre, par l’éloignement accidentel de la plupart des autres souverains ou de leurs ministres au moment de la prise de Paris, s’était trouvé investi d’une sorte de dictature pour la direction des négociations et des actes qui amenèrent la première restauration. Des circonstances analogues déférèrent cette fois le même rôle au duc de Wellington. Le généralissime prussien aurait pu le lui disputer, d’autant plus que les forces placées sous son commandement étaient de beaucoup les plus nombreuses ; mais Blücher n’était qu’un soldat héroïque, incapable de comprendre aucune combinaison politique, et qui ne portait dans cette guerre qu’un seul sentiment, celui d’une haine aveugle et furieuse contre Napoléon et contre la France. Ce qu’on aura peine à croire, c’est qu’il avait formé le projet, dans le cas où Napoléon serait tombé entre ses mains, de le faire fusiller. On lit ce qui suit dans une lettre que le duc de Wellington écrivait, à sir Charles Stuart le 28 juin, par conséquent quelques jours avant l’occupation de Paris : « Les Prussiens pensent que les jacobins veulent me livrer Bonaparte, parce qu’ils croient que je lui sauverai la vie. Blücher veut le tuer, mais je lui ai dit que je n’y consentirais pas et que j’insisterais pour qu’on ne dispose de lui que du consentement commun de l’alliance. Je lui ai dit aussi que, comme son ami, je lui conseillerais de s’abstenir d’un acte aussi odieux, que lui et moi nous avions joué dans les derniers événemens un rôle trop distingué pour qu’il nous convînt de devenir des bourreaux, et que, dans le cas où les souverains se décideraient à le faire périr, ils auraient à en charger un autre que moi. » Ce témoignage, on le voit, est bien positif ; il est d’ailleurs confirmé par un document plus irréfragable encore qui se trouve consigné dans les Mémoires du baron de Müffling, un des généraux employés alors dans l’état-major de Blücher : c’est une lettre que le général Gneisenau, chef de cet état-major, écrivait, le 20 juin, à cet officier, et dont voici le texte : « Le feld-maréchal me charge de vous prier de faire savoir au duc de Wellington que son intention avait été de faire exécuter Bonaparte sur le lieu même où le duc d’Enghien a été mis à mort, que par déférence pour les vues du duc