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que Louis XVIII venait de publier à Cambrai, il s’efforça d’en faire ressortir la preuve des intentions constitutionnelles et clémentes dont ce prince était animé. Les commissaires parurent comprendre la force de ces considérations ; mais la majorité révolutionnaire, qui avait fini par prendre dans la chambre des représentans un ascendant décisif, était peu disposée à écouter de tels avis. Le duc de Wellington, pour les faire prévaloir, dut se concerter avec un homme que les circonstances avaient malheureusement placé alors en situation d’exercer une grande influence, avec Fouché, qui, ministre de Napoléon, avait contribué après la bataille de Waterloo à le renverser, s’était fait nommer chef du gouvernement provisoire, et n’avait en ce moment d’autre pensée que de se ménager la faveur des Bourbons en trahissant ses collègues de la commission exécutive aussi bien que les chambres dont il tenait ses pouvoirs.

Fouché s’était de longue main mis en rapport avec les royalistes, en leur persuadant que seul il connaissait les moyens d’enchaîner, de calmer le parti révolutionnaire, et d’écarter les obstacles qui s’opposaient encore à une restauration. Le duc de Wellington, qui tenait surtout à ce que la rentrée du roi dans Paris ne rencontrât pas une résistance matérielle et ne fût pas attristée par des violences, reçut donc avec empressement les offres de l’ancien terroriste. Ne connaissant peut-être qu’incomplètement son horrible passé et trompé par ses paroles artificieuses, il se laissa persuader que le concours d’un tel homme pouvait être utile, non-seulement pour surmonter les difficultés du moment, mais pour opérer la conciliation définitive des partis, pour fonder, pour consolider en France un régime de liberté et de monarchie légitime. Grâce à ses conseils, grâce à ceux des royalistes les plus ardens à qui Fouché avait su inspirer la conviction que rien ne pouvait se faire sans lui, l’homme de 93 fut admis au nombre des ministres de la royauté restaurée, et sa funeste présence ne contribua pas peu à paralyser l’action, comme aussi à hâter la chute d’un cabinet dont la sagesse et les lumières eussent peut-être contenu de déplorables réactions.

Louis XVIII était rentré dans sa capitale ; mais, dès les premiers momens, de graves, d’innombrables difficultés vinrent l’assaillir, malgré les efforts bienvaillans du généralissime anglais. Blücher, qui n’avait consenti qu’avec répugnance à accepter la capitulation de Paris, semblait peu se soucier d’en respecter les conditions. Il commença par imposer à cette ville une contribution de cent millions de francs, et par ordonner la destruction du pont d’Iéna, dont le nom lui rappelait de pénibles souvenirs. Les réclamations du gouvernement français eussent été impuissantes à repousser ces mesures d’une rigueur sauvage ; ce ne fut pas sans peine que le duc de Wellington