Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier artiste venu. Si donc Jean Foucquet fut choisi, c’est qu’apparemment on jugea qu’il n’y avait pas alors en Italie un miniaturiste aussi habile que l’artiste français, artiste de premier ordre en effet, et dont les œuvres, malheureusement bien rares, sont des modèles achevés d’animation paisible et de délicatesse. À plus forte raison, lorsque l’art italien commence à décliner et que notre école du XVIIe siècle marche en sens inverse de cette décadence, l’influence française règne-t-elle avec autorité de l’autre côté des monts. Même avant la mort du Dominiquin, quels peintres les souverains et les grands seigneurs emploient-ils de préférence quand il s’agit de décorer un palais, d’ajouter aux richesses d’une galerie ou de faire don à une église de quelque tableau ? À Gênes Simon Vouet, à Venise Jacques Blanchard, à Florence Jacques Stella, à Rome Poussin, Claude Lorrain, Dughet, Pierre Mignard, Valentin, sans compter des artistes moins renommés, comme Jean Lemaire, Nicolas de Bar et, un peu plus tard, Jacques Courtois, dit le Bourguignon. On croirait que cette colonie d’étrangers a pour mission de couvrir le dénûment de l’école italienne, et que celle-ci ne peut plus recevoir désormais qu’un lustre d’emprunt aux lieux mêmes où s’étaient succédé les plus beaux témoignages de sa gloire. Cent ans plus tard, la situation n’a pas changé. Ce sont encore les peintres venus de France qui tiennent à Rome le premier rang, ou plutôt qui représentent à eux seuls la peinture en Italie. Joseph Vernet, par exemple, n’est-il pas le véritable chef de l’école romaine à cette époque, et, toute proportion gardée entre la valeur personnelle des deux artistes, ne peut-on comparer le rôle du célèbre peintre de marine à celui de Poussin dans le siècle précédent ?

L’influence exercée sur l’art de tous les pays de l’Europe par des hommes ou par des œuvres appartenant à notre école fut immense à partir du règne de Louis XIV jusqu’à la fin du règne de Louis XVI ; elle n’a guère diminué depuis lors, mais les faits qui la déterminent sont trop nombreux pour trouver place ici. Qu’il nous suffise de dire, après M. Dussieux, qu’en Allemagne comme en Angleterre, en Espagne comme en Suède et en Russie, partout enfin où les souverains veulent instituer une école des beaux-arts ou se choisir un premier peintre, ils font appel à des maîtres français. De leur côté, les artistes étrangers ne se lassent pas de demander à la France des leçons, des encouragemens ou des suffrages, et le titre qu’ils aspirent à obtenir comme une récompense suprême est celui de membre de l’Académie royale de peinture établie à Paris.

Quelle était donc cette corporation à laquelle le privilège de la gloire semblait exclusivement réservé ? Les Archives publiées par M. de Chennevières et les Mémoires tirés des manuscrits conservés