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à l’École des Beaux-Arts fournissent à ce sujet d’utiles renseignemens, que complètent d’ailleurs d’autres pièces sur l’histoire de l’Académie récemment mises en lumière par M. de Montaiglon[1].

La création de l’Académie royale de peinture sous le règne de Louis XIV, — création antérieure de quelques années à la fondation des Académies des inscriptions et des sciences, — avait eu pour but d’isoler les peintres artistes des peintres artisans avec lesquels ils demeuraient jusque-là à peu près confondus. À cette époque de règle et d’ordre, il eut été difficile qu’on négligeât d’établir une distinction formelle entre les deux classes, et qu’on laissât des gens dont toute l’industrie se bornait à dorer ou à enluminer les statues des saints dans les églises s’attribuer, comme par le passé, les mêmes prérogatives que les peintres auteurs de tableaux. D’ailleurs, le roi ou ses ministres n’eussent-ils pas songé à se prononcer sur ce point, il existait alors un artiste qui n’était pas homme à se taire ni à revendiquer faiblement ses droits. Lebrun les réclama donc tant par lui-même que par l’organe des amis qui l’appuyaient déjà à la cour ; il mit en campagne les plus remuans de ses confrères et ne se fit faute pour son propre compte ni de requêtes, ni de mémoires ; bref, un arrêt du conseil daté de 1648 constitua l’Académie conformément au plan présenté, c’est-à-dire que douze fondateurs, désignés sous le titre d’anciens, furent seuls autorisés à tenir école de peinture et de sculpture, et qu’on nomma en outre quatorze académiciens pour faire cortège en quelque sorte à ces professeurs patentés. Notons en passant que dès le début les artistes étrangers furent appelés à prendre place à côté des artistes français, puisque parmi les vingt-six membres inscrits sur la liste primitive on compte cinq peintres et un sculpteur originaires des Pays-Bas.

Lebrun, dont le nom, cela va sans dire, figurait en tête de tous les autres y compris celui de Lesueur, avait réussi à se soustraire, lui et ses confrères, au joug humiliant de l’ancienne communauté. Grâce à l’activité de ses démarches, une barrière légale venait de séparer l’art du métier, les académiciens royaux des simples jurés de la maîtrise, — c’est ainsi que se nommaient les gérans de cette communauté ; — mais tout n’était pas dit pour cela. Le mauvais vouloir des jurés, les procès où l’on s’engage semblent compromettre pendant quelque temps l’influence de la nouvelle compagnie : il ne fallut pas moins que l’esprit d’obstination et les habiles manœuvres de Lebrun pour tenir tête à ces difficultés sans nombre et pour avoir raison de ces cabales. Tout finit par s’apaiser cependant. Après bien

  1. Mémoires pour servir à l’histoire de l’Académie royale de peinture depuis 1648 jusqu’en 1664 ; Paris, Jannet 1853.