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reboisement vient donc se placer l’œuvre d’irrigation. Emmagasiner non-seulement les sources, mais aussi les eaux pluviales pour l’arrosement des terres, voilà le problème à résoudre, en attendant que le sol forestier plus épanoui puisse venir remplir cet office d’absorption. En Espagne, les Maures ont exécuté des travaux hydrauliques qui font encore aujourd’hui la richesse et la magnificence de la plaine de Valence. Ils fermaient au tiers de leur hauteur les gorges des montagnes par un endiguement colossal, avec écluses d’écoulement. Cet endiguement, nommé puntano, retenait les eaux dans les gorges, qui devenaient ainsi, à l’époque des pluies, d’immenses réservoirs remplis d’eau. Les puntanos de Valence suffisent encore aujourd’hui aux besoins d’irrigation d’un véritable jardin de trente lieues d’étendue. Le gouvernement, qui a parfaitement compris que la question des eaux était la question vitale pour l’Algérie, a fait faire de nombreuses études de barrages pour les principaux bassins arrosantes, surtout pour la Milidja et le Chéliff ; mais c’est au système des barrages maures qu’on devrait s’en tenir. Les barrages maures ne seraient pas aussi dispendieux en Algérie qu’en Espagne, parce que les gorges sont plus étroites et les montagnes moins hautes. Du reste, un premier essai dans ce genre a été fait à l’ouest de la Mitidja ; on le doit à l’initiative d’un capitaine du génie, directeur de la colonie de Marengo, qui a sacrifié, dit-on, une partie de sa fortune à l’entreprendre.

Outre le reboisement et les barrages, il est encore un autre moyen d’accroître les forces de l’irrigation : ce sont les puits artésiens. Malheureusement les diverses expériences qu’on a tentées jusqu’ici en Afrique n’ont pas réussi, soit que les instrumens de forage ne fussent pas assez puissans, soit qu’on eut mal déterminé le cours de la veine artésienne. Il s’agit donc d’accroître le matériel de forage dont on a déjà doté la colonie, et l’eau artésienne jaillira partout où le travail de l’homme aura besoin de son secours.

Les avantages de l’irrigation et du reboisement n’ont plus besoin d’être démontrés après ce que nous venons de dire. Il importe encore cependant de montrer quel intérêt le colon africain trouve à exploiter les ferres arrosées de préférence aux terres sèches. D’après les statistiques et les recensemens officiels, le rendement des terres sèches en Afrique, sans engrais et à deux labours, est de 200 francs l’hectare : le rendement des terres humides ou arrosées varie de 1,000 à 3,000 francs l’hectare. On le voit, les terres sèches ne représenteront jamais pour le colon que son entretien et celui de sa famille, tandis que les terres arrosées, les terres propres aux cultures industrielles, lui donneront des produits dix fois plus considérables et immédiatement réalisables comme une marchandise. Aussi y a-t-il une propension évidente de tous les colons vers les cultures industrielles. Malgré cette propension pourtant, peu de résultats ont été jusqu’ici obtenus. Quelle est donc la cause de ce singulier contraste du petit nombre des résultats avec l’activité déployée pour les obtenir ? C’est que la plupart des colons ont été placés hors de la