Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non compris les Allemands de la route de Guelma : on y trouverait un emplacement disponible pour 150,000 cultivateurs.

Un village dont les convenances stratégiques ont seules déterminé la construction, Jemmapes, marque la limite qui sépare la zone de Bône et Guelma de celle de Philippeville. Jemmapes est situé sur une double éminence, en regard, mais non à portée de la riche vallée du Fondouk, riant et frais territoire qu’on dirait transporté des montagnes de l’Auvergne dans l’intérieur de L’Afrique. À se procurer seulement l’eau qui lui manquait, cette colonie agricole a dépensé plus de temps et plus d’efforts qu’il ne lui en aurait fallu pour atteindre à la prospérité, si elle eût été placée au cœur de la vallée. La zone colonisante de Philippeville, qui commence à Jemmapes, présente à peu près le même aspect et la même configuration de sol que nous avons trouvés sur la route de Bône à Guelma : c’est tout un système de petites vallées où les sources abondent ; le Safsaf et le Zéramna sont les deux cours d’eau qui marquent les pentes principales de ces vallées. Nous y trouvons deux mille colons environ, distribués dans huit villages, colonies agricoles pour la plupart, qui s’échelonnent sur la route de Philippeville à Constantine, et qui sont reliés entre eux par des fermes importantes et généralement prospères.

Dans la zone de Philippeville (et du reste cette observation peut s’appliquer à toute la colonisation africaine), le peuplement a devancé l’expérimentation préalable des cultures à entreprendre. Les colons, en arrivant, n’ont su que produire, et lorsqu’ils ont travaillé, ils ont exercé leur industrie au hasard. Joignez à cela que le personnel des colons se renouvelant à mesure, il a fallu toujours recommencer à nouveau la série des expériences. Si les fermes y ont le plus souvent prospéré, les villages ont beaucoup souffert. Tant que l’administration a acheté le foin à haut prix, les colons se sont adonnés à la culture des prairies ; mais cette ressource leur a bientôt manqué : le foin abonde partout sur la terre d’Afrique, qui le produit naturellement. Aussi, à mesure que la main-d’œuvre est venue en aide à la récolte, le foin a diminué de valeur, si bien que personne n’en achète plus aujourd’hui, pas même l’administration, qui en récolte plus qu’il ne lui en faut dans les terres du domaine. Après le foin, les colons ont essayé des céréales ; mais les bestiaux leur manquaient pour produire et pour consommer. Ils étaient entre deux concurrences : la concurrence des Arabes, qui avaient l’espace et le bas prix de la main-d’œuvre, et la concurrence des fermes, qui, à l’avantage de l’espace également, joignaient de meilleurs moyens de production, comme l’engrais des étables et un outillage agricole complet. Les colons ont voulu se tourner alors vers les cultures industrielles ; malheureusement ces cultures,