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pour être entreprises, demandent quelques avances dont les colons étaient dépourvus ; aussi le colon a-t-il à peine été abordé à Philippeville. Quant au tabac, toute la zone n’en a produit que pour moins de 18,000 francs, tandis que Jemmapes à lui seul, plus particulièrement aidé par l’état dans ses frais de premier établissement, en a produit pour prés de 13,000 fr.

On peut dire que toutes les forces des colons de Philippeville se sont épuisées, depuis deux ans surtout, dans les plantations de mûriers. Il est vrai que nulle part cet arbre ne pousse avec une vigueur pareille : les vallées de Philippeville sont du reste très plantureuses, et elles respirent le même sentiment de fraîcheur qui vous pénètre dans les oasis. Il s’est noué dans la place de Philippeville des spéculations assez actives sur les prochaines récoltes du mûrier, et ces spéculations ont eu déjà pour premier résultat d’activer les plantations. La production de la soie se fait dans les ménages, sans frais par conséquent. Les colons de Philippeville trouveront là une ressource précieuse dans un avenir qui commence demain. En calculant à 10,000 par village le nombre de mûriers plantés, et à 2 francs le rendement de chaque arbre à partir de la quatrième année de la transplantation, cela fera pour chaque centre de population un revenu à peu près net de 20,000 fr., ce qui lui servira d’avances pour les autres cultures.

Dans toute cette région du littoral, l’olivier pousse avec la même exubérance de végétation que le mûrier, et le greffage a réussi admirablement partout où il a été essayé. Nous avons vu à El-Arrouch surtout des greffes faites depuis deux ans, et qui s’étalent déjà en bouquets touffus et vigoureux. Le sol y est aussi favorable aux cultures industrielles qu’aux plantations. Toutefois, à l’exception de la plaine de la Seybouse, il n’y a pas dans la zone de Philippeville de ces grandes nappes de terres bien nivelées, ayant à leur service des courans d’eau qu’on puisse y déverser moyennant quelques travaux de drainage et de dérivation, comme on en trouve dans les autres provinces d’Alger et d’Oran. Les sources y sont abondantes sans doute, mais on sera obligé de les utiliser sur place et par petits rayons, dans l’impossibilité où l’on se trouve, de les relier à de grandes artères fluviales. Ainsi, dans les petites vallées qui s’étendent derrière Philippeville et autour de Guelma, et dont chacune est pourvue de son cours d’eau, le service de l’irrigation comportera des travaux particuliers plutôt que des travaux d’ensemble.

Derrière cette zone du littoral s’étendent, au sud et au sud-ouest, les plateaux de l’intérieur, plus élevés au-dessus de la mer, et dont l’altitude varie de 1,100 à 6,000 mètres. Ce sont d’immenses plaines jaunâtres et légèrement ondulées, qui oui répugné jusqu’ici à la colonisation. En effet, l’absence de toute végétation arborescente y attriste le regard et y décourage la pensée même du travail. Cependant ce sont là les terres les plus fromenteuses de toute l’Afrique, celles qui nourrissent la race de chevaux la plus estimée. Le sol végétal y est si riche, que les sources qui sillonnent la plaine en tout sens se creusent un lit qui va le plus souvent jusqu’à 3 mètres de profondeur. Au printemps, ces terres jaunâtres et nues se changent en un océan de verdure aux ondulations infinies. Ainsi, de Constantine jusqu’à Batna dans le sud, comme autour de Sétif, où la colonisation suisse est en train de s’installer, on