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d’Akbăr, jusque sous le règne de Djâhăn-Gûir. L’usurpateur Shère-Shâh marcha résolument dans cette voie de progrès, et pendant un règne de peu de durée accomplit de grandes choses. Il éleva de nombreux édifices publics, organisa sur une plus grande échelle le service des postes, entretint des routes stratégiques et commerciales qui traversaient l’empire par des lignes de plusieurs centaines de lieues, construisit des caravansérails pour les voyageurs, et ordonna qu’ils y reçussent l’hospitalité aux frais de l’état, quelle que fût leur religion. Enfin, par la vigueur de son administration et la sagesse de ses mesures de police, Shère-Shâh améliora considérablement la condition générale de ses sujets. Aussi ce règne passager a-t-il, comme époque de transition, laissé des traces honorées par le souvenir des peuples, et Akbăr trouva, en arrivant au trône, une impulsion déjà donnée au développement des ressources naturelles du pays et du bien-être des populations.

Ces belles et riches contrées furent plus convenablement appréciées par Akbăr et par son digne ministre qu’elles n’avaient pu l’être par Bâbăr. La description qu’Abou’l-Fazl nous a laissée de l’Hindoustan, bien que montrant sous un jour trop favorable, à certains égards, les hommes et les choses, n’en est pas moins un travail de la plus haute portée, qui n’avait eu de modèle chez aucun peuple, et qui doit être considéré comme le résultat d’immenses recherches, mises en œuvre par un génie du premier ordre. Partout Abou’l-Fazl y ramène le présent vers la base historique du passé, honorant ce qui existait d’utile et de grand avant son siècle, ce qui est indigène, national. À la statistique de chacun des soubâhs (grands gouvernemens ou vice-royautés), il joint une table chronologique et généalogique des anciennes dynasties avant la conquête mahométane, et un précis de l’histoire du pays, dont il cite souvent les sources. Il décrit l’agriculture, l’industrie, le commerce, la population indigène, les productions, les mesures locales, les poids, les monnaies. Sa description des villes, de leurs monumens et des choses remarquables de chaque pays contient un enseignement des plus riches sur l’état des notions historiques à cette époque. On doit même vivement regretter que la philologie critique et la philosophie des sciences naturelles n’aient pas encore soumis à une étude sérieuse les indications nombreuses et importantes que fournissent les nomenclatures en langues sanscrite, hindwi, persane, arabe, renfermées dans l’Ayîn-Akbăry. Abou’l-Fazl s’élève souvent, dans le cours de cet ouvrage, à des considérations d’ensemble qui témoignent de son instruction profonde autant que variée, et de la supériorité de ses vues. Il fait grand cas des Hindous, et donne une analyse complète de leurs institutions, qu’il a évidemment étudiées avec le plus grand