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ses bons raisins de Kaboul, ses melons musqués, ses fruits délicieux, Teau fraîche de ses montagnes. On ne trouve pas de bons chevaux ; la nourriture est inférieure ; la viande et le pain sont loin de valoir ceux de Kaboul ; on ne trouve ni bains, ni collèges ; l’éclairage y est misérable et dégoûtant ; on ne connaît pas même l’usage des chandeliers, etc.

Ce qui résulte de ces remarques un peu minutieuses, c’est qu’en effet, à cette époque (époque de décadence, à beaucoup d’égards, pour l’Hindoustan), les peuples du Tourân et de l’Iran étaient plus civilisés non-seulement que les Hindous, mais que la plupart des peuples européens. Toutefois Bâbăr rend justice à l’Hindoustan sous plusieurs rapports : c’est un grand pays, riche en or et en argent ; le climat, pendant les pluies, y est délicieux ; on n’y souffre pas des extrêmes du chaud et du froid comme à Balkh et à Kandahâr ; l’industrie y a fait de grands progrès ; les artisans de toutes professions y sont innombrables. Bâbăr remarque avec quelle facilité les populations hindoues changent de place dans un pays où la culture et l’irrigation demandent si peu d’industrie et d’efforts, comment des villes considérables sont complètement abandonnées du jour au lendemain, comment des hameaux deviennent promptement des villages, et les villages des villes.

Les imperfections que Bâbăr avait signalées dans la civilisation de l’Hindoustan disparurent en partie grâce aux efforts intelligens de ses successeurs. Il avait commencé lui-même cette œuvre de perfectionnement, et les jardins en particulier avaient pris, sous son règne, un aspect tout nouveau ; mais l’impulsion donnée par le génie d’Akbăr amena des résultats d’une tout autre importance. Les défrichemens sur une vaste échelle, l’horticulture, l’architecture, etc., firent de rapides progrès. Abou’l-Fazl cite soigneusement les espèces d’arbres fruitiers ou d’arbrisseaux d’ornement dont l’empereur Akbăr introduisit ou améliora la culture. L’Inde prit une physionomie nouvelle : les bêtes fauves furent détruites, des chemins furent pratiqués dans toutes les directions, des terres vagues mises en culture, des peuplades errantes établies d’une manière permanente, des villes et des villages sans nombre fondés de toutes parts.

Le sultan Bâbăr, ainsi que d’autres grands capitaines, faisait mesurer exactement les étapes franchies par ses troupes dans le cours de ses expéditions : cet usage se maintint sous les empereurs suivans. Il donna aussi une attention particulière au service des postes. Les mesures itinéraires et agraires l’occupèrent également, et la principale mesure de longueur, gaz Sicandery, en usage depuis le sultan Sicănder Lôdl, fut remplacée par le gaz Bâbery (aune de Bâbâr), qui fut partiellement employé, même après la grande réforme