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Les préparatifs de la nouvelle campagne remplirent probablement l’année 455 tout entière. Au printemps suivant, les Huns arrivèrent sur le Danube avec l’impétuosité et le fracas d’une tempête. Ils dirent au commandant des postes romains de ne point s’inquiéter, attendu qu’ils n’en voulaient point à l’empire, il que leur seul but était de rattraper des esclaves fugitifs et des déserteurs de leur nation. » Ils désignaient ainsi les Ostrogoths. Les postes romains, qui voulaient rester étrangers à ces querelles de barbares, ne firent point obstacle à leur passage. Les hordes ayant pris terre sur la rive droite, probablement vers le pont de Trajan, tournèrent à l’ouest, gagnèrent la Save, et fondirent sur les cantonnemens de Valémir. L’attaque fut si brusque, que le roi ostrogoth n’eut pas le temps de prévenir ses frères et dut soutenir le choc avec les seules forces de sa tribu : toutefois il s’en tira bien. Après avoir traîné à sa suite la cavalerie des Huns et l’avoir fatiguée par des marches à travers les marais de la Save, il l’attaqua à son tour et lui fit essuyer une défaite complète. On put reconnaître alors combien l’infanterie des Goths, exercée à combattre de pied ferme et comparable aux vieilles légions romaines, dont elle semblait suivre instinctivement les pratiques, l’emportait sur cette cavalerie asiatique sans organisation et sans discipline. Culbutées les unes sur les autres, les hordes se débandèrent et ne s’arrêtèrent dans leur fuite que lorsqu’elles eurent mis l’Hunnivar entre elles et leurs ennemis. Valémir put envoyer alors à ses frères la double nouvelle de son péril et de sa délivrance. Les historiens racontent qu’au moment où le messager goth atteignit la demeure de Théodémir sur les bords du lac Pelsod, le pays était en joie, et le palais, paré comme pour une fête, retentissait du bruit des instrumens de musique. Un fils était né la nuit même à Théodémir de sa concubine chérie Ereliéva, et comme les deux frères s’aimaient tendrement, ils confondirent leur-bonheur. L’enfant qui venait d’entrer dans la vie n’était autre que le grand Théodoric.

La confiance des fils d’Attila ne résista pas à ce second échec. Forcés de reconnaître que la puissance de leur père, qu’ils avaient si mal su garder, leur était échappée pour toujours et que c’en était fait de l’empire d’Attila, ils renoncèrent à toute entreprise qui aurait pour objet de le relever. Ils convinrent même de se séparer ou du moins de donner à chacun la liberté de choisir un parti. Le plus grand nombre opina pour le maintien des vieilles habitudes et la continuation de la vie nomade dans les plaines situées au nord du Danube et k long de la Mer-Noire ; ceux-là se rattachèrent à Denghizikh, le plus énergique d’entre eux. Il y en eut, en moindre nombre, à qui il plut d’essayer de la vie sédentaire et de quitter le campement des nomades ; ils eurent de plus l’idée, assez étrange pour des fils