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sur son territoire, l’empire suivait sa politique séculaire. Constantinople avait hérité des principes de Rome : opposer les barbares aux barbares, soutenir le faible contre le fort pour les détruire l’un par l’autre, et se servir de l’ennemi qu’on ne redoutait plus, en guise de barrière, pour arrêter celui qui commençait à se faire craindre.

La scission des enfans d’Attila et de leurs tribus en deux parts ne brisa tout d’abord ni le lien de fraternité entre les princes, ni celui de race entre les tribus. Les hordes de l’Hunnivar et du Dniéper, qui continuèrent la vie nomade, furent réputées le corps de la nation, et Denghizikh, qui les gouvernait, se trouva investi d’un droit, sinon de souveraineté, du moins de tutelle et de suprématie à l’égard des bandes séparées. L’histoire mentionne deux circonstances dans lesquelles ce protectorat des tribus sédentaires par les tribus nomades fut exercé avec éclat. Dans l’année 462, les Ostrogoths, mécontens des surveillans que l’empire leur avait donnés en Pannonie, se jetèrent à l’improviste sur le territoire des Huns satagares, pillèrent tout, enlevèrent les récoltes, les troupeaux, et menacèrent d’égorger les hôtes du peuple romain jusqu’au dernier. Informé de ces désastres, Denghizikh accourut en toute hâte porter secours à ses compatriotes ; quatre tribus nomades l’accompagnaient : les Angiscyres, les Bitugores, les Bardores et les Ulzingoures. Ils franchirent le Danube sans opposition, et, pénétrant sur le territoire ostrogoth, ils assiégèrent la ville de Bassiana, aujourd’hui Sabacz, place romaine dont les Ostrogoths s’étaient emparés contre les traités, et qui formait un des boulevards de leur frontière. La ville résista aisément à un ennemi qui ne connaissait pas l’art des sièges, et sa résistance donna aux Goths le temps d’arriver. Valémir en effet, à la première nouvelle de l’irruption de Denghizikh, avait laissé là les Satagares pour marcher contre lui. Une grande bataille eut lieu sous les murs de Bassiana ; la place fut dégagée, et les Huns, qu’un mauvais sort semblait poursuivre chaque fois qu’ils s’adressaient aux Ostrogoths, furent pour la troisième fois vaincus et rejetés en désordre sur la rive gauche du Danube.

Quatre ans après, en 466, c’est aux Romains que les Huns ont affaire pour une raison à peu près pareille. Il était arrivé qu’une des peuplades sarmates admises en Mésie comme fédérées, à la suite des fils d’Attila, se dégoûtant de sa nouvelle condition et regrettant la liberté des déserts, avait quitté ses cantonnemens et repris le chemin du Danube ; mais les officiers romains, qualifiant ce fait de désertion, l’avaient retenue par la force. Les Huns nomades crurent leur honneur engagé à soutenir la liberté d’un peuple qui n’avait pas, disaient-ils, cessé d’être leur vassal, et ils sommèrent le commandant romain de laisser partir les Sarmates. Cette sommation étant restée sans résultat, on vit bientôt une armée humique