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intelligence parfaite elle-même, puisqu’elle est égale à ce qu’elle conçoit. Type ou intelligence, ou plutôt type et intelligence, sous ce nom ou sous un autre, le parfait existe donc, et nous en avons la certitude absolue en même temps que la connaissance imparfaite. La perfection existe à la fois comme idée et comme attribut dans un être qui nous est infiniment supérieur, et avec lequel cependant nous avons quelque ressemblance. C’est cet être qui est Dieu ; les idées que nous pouvons appeler éternelles sont lui-même, et nous avons été rendus capables de les concevoir en un certain degré et de les reproduire en quelque manière. Qui nous a faits tels ou qui se communique ainsi, si ce n’est le même être ? Ce qui est dans l’intelligence divine se rend intelligible à nous. Il y a en nous des intelligibles divins. De là cette participation, cette communion, cette société de l’homme avec Dieu dont parlaient les philosophes de l’antiquité. De là cette création de l’homme à l’image de Dieu dont parle la Genèse. De là ce Verbe, cette vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde, dont parle l’Évangile.

Le procédé d’analyse par lequel l’esprit retourne ainsi à l’universel et au divin appartient à une méthode supérieure, connue sous le nom de dialectique platonicienne ; c’est Platon qui a le premier découvert ou pratiqué philosophiquement cette méthode, et rendu possible la démonstration dite métaphysique de l’existence de Dieu. On comprend sans peine combien, ainsi considérées, les idées du vrai, du bon et du beau s’élèvent, s’épurent en se divinisant, et que sous ce rapport on pourrait considérer comme un admirable traité de théodicée le dernier volume de M. Cousin, Du vrai, du beau et du bien.

La dialectique platonicienne n’est pas à l’usage de tout le monde, et il y a des écoles philosophiques et théologiques qui l’ont ignorée ou rejetée ; mais quelques-unes des vérités auxquelles elle conduit sont posées comme des dogmes par la religion. Ce sont des idées parfaitement chrétiennes que celles-ci : Dieu est le souverain bien ; Dieu est la vérité suprême. La religion, qui a d’autres moyens de persuasion que la philosophie, peut souvent s’épargner les frais de la démonstration, et c’est même un de ses avantages que de n’être pas obligée d’aborder la nature humaine par un seul côté. Il serait donc peu exact de dire que tous les docteurs de l’église ont raisonné en platoniciens et suivi la voie qui vient d’être indiquée, quoiqu’ils puissent être arrivés au point où elle conduit ; mais il n’en résulte pas qu’ils auraient eu tort de la suivre. Si la méthode est bonne et ses fruits excellens, en quoi, profitable à la philosophie, serait-elle préjudiciable à la théologie ? Loin de là ; il y a des esprits qu’elle seule peut persuader, des difficultés qu’elle seule peut résoudre, des titres à la confiance de la raison qu’elle seule peut réunir. Ce ne