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sont pas les moindres des écrivains ecclésiastiques qui l’ont de préférence employée ; ce sont ceux dont l’autorité est le plus universellement invoquée ; ce sont ceux qui ont, de la main la plus puissante et la plus sûre, élevé l’édifice de la théodicée chrétienne.

Ces deux derniers mots sont le titre d’un volume publié par M. Lescœur, et ce que nous venons d’écrire en fait connaître le sujet. M. Lescœur, qui étudie pour devenir prêtre de l’Oratoire, a choisi pour thèse de doctorat, je crois, le traité de Deo, de Thomassin. Le père Thomassin, oratorien du XVIIe siècle, a publié plusieurs ouvrages d’érudition et de critique sacrée, et entre autres trois volumes in-folio en latin, intitulés Dogmes théologiques. Un de ces volumes traite de la Divinité, et c’est celui dont M. Lescœur a tiré le sien ou son Essai philosophique. Par la méthode de Thomassin, qui expose les dogmes d’après la tradition des grands esprits, et qui cherche les grands esprits hors de l’église et dans l’église, il s’attache à établir la perpétuité d’une théodicée philosophique orthodoxe, quoiqu’il l’arrête à la limite où commence le dogme révélé. Cette analyse d’un ouvrage peu connu et peu lisible est intéressante ; elle est faite avec clarté, elle est écrite avec élégance ; elle sera utile à qui veut se former une idée générale des points de concordance de la philosophie antique avec la foi chrétienne. Thomassin, qui, pas plus que M. Lescœur, ne cherche le divorce entre la science rationnelle et la science religieuse, qui ne pense pas qu’aucune des deux puisse exclure ni même remplacer l’autre, admet que les premiers génies de la Grèce, éclairés par cet instinct des choses divines qui est une de nos facultés naturelles, peut-être aussi par quelque influence lointaine de la parole révélée, ont préparé, par la découverte des vérités fondamentales, le monde au christianisme. Dans l’Oratoire, où ses études s’étaient faites, il avait trouvé instituée la philosophie de Descartes. Or il faut savoir que Descartes a remis en crédit, après l’avoir refrappée à son empreinte, la preuve métaphysique de l’existence de Dieu, et Thomassin, la retrouvant à son tour dans le platonisme et dans quelques-uns des pères, se sentit confirmé et enhardi dans sa croyance à l’accord des principes de la raison et de la foi.

Suivant lui, après avoir été préparé par la philosophie, le christianisme, représenté par des pères élevés dans les écoles platoniciennes, retourna vers la philosophie pour lui emprunter toutes les méthodes, tous les argumens, toutes les expressions compatibles avec ses dogmes. Il se servit de ces secours humains pour faire de la foi une doctrine, pour lui donner cette forme systématique qui n’est pas celle de l’enseignement des apôtres, destiné aux peuples plutôt qu’aux écoles. L’église, prenant ainsi de toutes mains, a pratiqué dans tous les temps un large et infatigable éclectisme, ce n’est pas moi qui me sers du mot. Cet éclectisme, le père Thomassin le