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d’empêcher l’apparition d’une armée française au-delà des Alpes, qui eût provoqué une guerre générale en Europe. La France ne demandait pas mieux que de se délivrer ainsi d’une épineuse affaire. Politique étrange que celle de la France à l’égard de l’Italie en 1848 ! Cette question italienne se présentait en peu de mois à deux gouvernemens, — l’un, né immédiatement de la révolution de février et anarchique comme elle, l’autre, qui sortait du terrible combat de juin et imprimait à la république nouvelle la physionomie d’airain d’une puissance réactionnaire. Ces deux gouvernemens par le fait résolvaient la question de la même manière, si ce n’est que le premier prodiguait les paroles, les déclamations en faveur de la cause italienne, sans rien faire effectivement, et que le second ajoutait la retenue des paroles à la réserve des actes. La politique républicaine obéissait à deux mobiles qui n’étaient pas également sérieux et avouables. Il n’y aurait eu que de la sagesse à mesurer l’intérêt de la France au-delà des Alpes et à voir qu’une question d’influence ne valait pas qu’on mît le feu au monde ; mais il s’y joignait un sentiment mesquin, c’est que tout ce qui se faisait en Italie devait tourner au profit de Charles-Albert, et que la France républicaine ne pouvait venir au secours d’un roi : telle était la grande raison ! C’est ainsi que le cabinet de Paris à une demande d’intervention armée répondait par une médiation collective avec l’Angleterre, sans rien garantir, et, par une singularité bizarre, la France, sous la république, se trouvait ramenée à la politique qui avait prévalu sous la monarchie.

Je ne veux ajouter qu’un mot sur cette politique : sous la monarchie, elle était bonne pour la France, efficace pour l’Italie, qu’elle retenait sur la pente des tentatives aventureuses ; sous la république, à travers le mélange de sentimens dont elle s’inspirait, elle n’était plus dans le fond qu’une faiblesse nécessaire, la rançon des périls intérieurs de la France, ou si l’on veut une inconséquence prudente. Toujours est-il que le cabinet de Vienne maintenant absolument l’intégrité de ses droits rajeunis par la victoire, et les deux puissances médiatrices n’étant nullement disposées à risquer une guerre pour l’indépendance de la Lombardie et pour le royaume de la Haute-Italie, il y avait au bout de toute négociation un nouveau choc inévitable entre l’Autriche et le Piémont, à moins que le Piémont ne subit la loi de la nécessité et ne restât dans ses frontières. Or c’est là que les partis à Turin se retrouvaient en présence. Nombre de conservateurs se fussent dès lors résignés peut-être à ajourner la question de l’indépendance. Le ministère lui-même n’eût point osé avouer une telle pensée. Sans trop se faire illusion, il laissait aller la médiation, gagnant du temps dans tous les cas pour recomposer l’armée et contenant l’incandescence des passions extrêmes.

Une seconde question d’une autre nature aurait pu avoir sans nul