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doute la plus sérieuse influence sur les événemens, c’est l’organisation fédérative des divers états de l’Italie : par là une force collective se trouvait créée et pouvait exercer son action ; mais c’est ici surtout qu’on peut observer à travers quel dédale de passions, d’intérêts, d’antagonismes secrets ou avoués, d’impossibilités ou d’incertitudes marchait la politique italienne.

L’organisation fédérative était une pensée de Pie IX : un légat du pape, on l’a vu, allait la proposer à Charles-Albert au début de la guerre. Le Piémont répondait que la question de l’indépendance dominait tout, et par le fait les propositions du gouvernement romain disparaissaient dans la guerre. Bientôt le cabinet Casati-Gioberti arrivait, et, en ses quelques jours de vie, inaugurant une politique nouvelle plus favorable à la fédération, il députait à Rome l’homme le mieux fait pour ramener Pie IX à cette pensée première, — l’abbé Rosmini qui allait être élevé au cardinalat. L’abbé Rosmini négociait en effet un projet de fédération d’après lequel les états de l’Italie, en commençant par les états de l’Église, la Sardaigne et la Toscane, se garantissaient leurs territoires. Le pape avait la présidence de la fédération ; un pouvoir central, représenté par une diète siégeant à Rome, était investi du droit de faire la paix et la guerre, de fixer les contingens militaires de chaque état, de régler le système de douanes, de signer des traités de commerce, en un mot de veiller à tous les intérêts généraux de la confédération. L’abbé Rosmini n’avait nullement dépassé ses instructions ; seulement le nouveau ministère de Turin, le cabinet Revel-Pinelli, n’accédait plus à une fédération ainsi constituée. Au projet négocié par l’abbé Rosmini il en opposait un autre qui en réalité n’était qu’un projet d’alliance offensive et défensive pour la guerre, et qui, en posant le principe d’une organisation fédérale, en ajournait l’application. De là les tiraillemens les plus pénibles et des luttes pleines d’amertume parfois entre les gouvernemens.

Les affaires à Rome se trouvaient être à cette époque aux mains de l’illustre Rossi, l’homme le mieux doué pour conduire la révolution italienne, si elle avait pu être conduite. Rossi, avec le feu d’un esprit supérieur, aussi clairvoyant à saisir les grandes questions qu’ardent à les réaliser, poursuivait le cabinet piémontais dans ses refus, dans ses lenteurs. Sentant l’impuissance de la diplomatie, il le harcelait par la presse, il intéressait l’opinion à cette œuvre de l’organisation fédérative dans laquelle il montrait la nécessité suprême de l’Italie ; pour vaincre les derniers scrupules du Piémont, il modifiait le projet primitif. Le cabinet de Turin résista peut-être plus qu’il n’eût fallu en une telle circonstance, il craignit de lier les mains du Piémont. Il s’en faut cependant que la question fût aussi simple qu’elle le paraît. Le projet de ligue italienne ne disait rien de la