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matières discuter et mettre en doute le succès financier de la société qui a entrepris le palais de cristal. Suivant elles, l’entreprise ne réussira que si on obtient l’autorisation d’ouvrir le palais pendant le dimanche, ce qui est contraire à la législation actuelle de l’Angleterre. Pour moi, quelle que soit l’utilité de cette mesure pour les classes ouvrières en particulier, je ne subordonne pas à cette question le succès financier de la société. D’ailleurs j’espère, j’ai même la conviction que très prochainement cette question sera résolue affirmativement. Le bon sens élevé et pratique du peuple anglais, des hommes qui le gouvernent, et, il faut le dire à sa gloire, du clergé anglican, triomphera des préjugés qui s’y opposent. En Angleterre, les préjugés défendent plus ou moins longtemps leur terrain, mais ils finissent toujours par céder, non pas à la violence et à la passion de quelques esprits, mais à la puissance de l’opinion publique de la majorité. On comprendra bientôt généralement qu’après avoir célébré le dimanche dans les églises et par des prières, on peut encore célébrer cette journée dans tous les lieux où le cœur et l’esprit s’élèvent vers Dieu et par tous les actes qui mettent l’homme en communion avec son créateur. Par conséquent c’est sanctifier et non profaner le jour du Seigneur que d’en employer une partie à admirer au palais de cristal les œuvres de la création ou les produits du génie humain. S’instruire, c’est s’améliorer ; s’améliorer, c’est se rapprocher de Dieu et l’honorer. Quoi qu’il en soit sur cette question particulière, et quoique je n’aie pas sous les yeux les documens précis nécessaires pour établir exactement le bilan de cette œuvre immense, qui a coûté, dit-on, de 25 à 30 millions ; quoiqu’il soit impossible aujourd’hui de calculer quelles seront les recettes, quelle somme exigera l’entretien d’une pareille construction, la surveillance et l’administration d’un édifice aussi gigantesque avec un parc immense, des bassins et des conduites d’eau comme à Versailles ; malgré tout cet inconnu, j’affirme dès ce moment avec assurance que cette œuvre doit réussir. Elle ne périra pas, j’en ai la plus profonde conviction, car il y a dans le monde une Providence qui veille sur les grandes idées dont la réalisation importe à tous les peuples ; elle veut que les sociétés marchent sans cesse par les progrès de l’éducation et de l’instruction vers une confraternité universelle, et elle soutient de sa main toute-puissante les œuvres humaines qui, comme le palais de Sydenham, cette encyclopédie vivante et progressive du XIXe siècle, sont à la fois un centre d’union, un gage de paix et un moyen de perfectionnement pour toute l’humanité.


BENJAMIN DELESSERT.