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LE RETOUR


POESIES DE JEUNESSE.





On a déjà lu ici plusieurs des poésies qui ont rendu populaire en Allemagne le nom de M. Henri Heine[1]. Le cycle de Lieder que nous publions aujourd’hui, et que M. Heine a intitulé le Retour (Heimkehr), est un de ceux où se dessine le plus nettement l’originalité du poète. Si une traduction pouvait rendre tout ce que l’auteur a mis de grâce et de finesse, de passion et d’ironie sous une forme admirablement simple, les strophes de ce poème seraient un curieux spécimen de l’espèce de révolution accomplie par M. Henri Heine dans la littérature lyrique de son pays. On sait avec quelle persistance souvent heureuse l’école appelée romantique s’est longtemps efforcée en Allemagne d’opposer les naïves inspirations du moyen âge aux procédés de la poésie savante. Malheureusement les romantiques ne faisaient que reproduire sans art la rusticité de ces vieilles chansons, ou bien, par une réaction en sens contraire, ils allaient se perdre dans des subtilités prétentieuses. L’auteur du Retour a emprunté aux poésies du peuple ce qu’il fallait y chercher en effet, la simplicité, il clarté candide, l’expression fraîche et sincère. Il a fait disparaître l’appareil lyrique déployé par les maîtres, et l’émotion a parlé toute seule. Point d’exclamations, point d’apostrophes, point de ces procédés un peu solennels, comme il y en a chez Klopstock, chez Schiller et jusque dans les strophes harmonieuses d’Uhland. M. Henri Heine voulait que le sentiment sortit du cœur comme la source sort du rocher. Cette simplicité toutefois n’excluait pas le mouvement varié de la passion. La joie et la douleur, les tendresses les plus suaves et l’ironie la plus sanglante, toute la gamme des sentimens qui peuvent inspirer le poète lyrique se déroule à l’aise dans cette langue si ingénieusement familière, et les strophes allemandes du Heimkehr

  1. Voyez les livraisons du 15 juillet et du 15 septembre 1848.