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gouvernement, exposé à rencontrer sans cesse des difficultés dans le sénat, a cherché, comme contre-poids, à tenir dans sa main la chambre des députés. Il ne lui a été que trop facile d’y réussir en traitant avec les intérêts et en employant les moyens propres aux mœurs électorales de la Grèce, la fraude et la violence. La nomination de la chambre des députés est tombée ainsi à la discrétion du gouvernement et du roi, et les élections n’ont plus été qu’une moquerie.

On va voir comment les choses se passent par quelques épisodes des élections générales qui ont eu lieu au mois de novembre de l’année dernière. Au commencement d’octobre, le conseil des ministres discuta la question des élections. La délibération du conseil porta sur quatre points : 1o les élections seraient-elles libres, le gouvernement s’abstiendrait-il de présenter ses candidats ? 2o si le gouvernement portait ses candidats, les trois partis (russe, anglais et français) seraient-ils également représentés ? 3o le personnel de la chambre dont les pouvoirs finiraient serait-il modifié ou non, remplacé en totalité ou en partie ? 4o élirait-on comme par le passé les fonctionnaires en activité ? — Les deux premières questions, celles de la liberté des élections et de la répartition égale des candidatures gouvernementales entre les trois partis, furent écartées ; il resta convenu que le gouvernement ferait les élections et désignerait les candidats à sa convenance sans se préoccuper de la balance des partis. Quant à la troisième question, on décida que le personnel de l’ancienne chambre serait renouvelé dans la proportion d’un tiers. Sur la quatrième question, la réélection des fonctionnaires, des divisions éclatèrent dans le cabinet. Il ne faut pas croire que la difficulté portât sur ces considérations de puritanisme constitutionnel qui, du temps du régime représentatif, s’élevaient chez nous contre l’incompatibilité entre les fonctions publiques et le mandat électif ; en Grèce, les députés reçoivent un traitement : la pensée d’exclure les fonctionnaires de la chambre n’avait d’autre portée que d’élargir le patronage et la clientèle du gouvernement en lui permettant d’augmenter le nombre de ses salariés. Le principe de l’exclusion des fonctionnaires l’emporta ; mais le général Spiro Milio, qui était alors ministre de la guerre, ayant fait prévaloir une exception en faveur des officiers de l’armée, M. Christidès, ministre des finances, donna sa démission. Le général Spiro Milio était un des promoteurs les plus ardens de la politique agressive contre la Turquie, et on l’a vu plus tard prendre part au mouvement de l’Épire ; M. Christidès était au contraire le seul membre du cabinet qui se prononçât pour la neutralité de la Grèce dans la guerre turco-russe et qui défendit la politique des puissances occidentales. La retraite de M. Christidès rompit l’équilibre du cabinet et entraîna celle du général Spiro Milio. Cette crise à propos des