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élections eut pour premier effet de mettre entièrement le ministère à la dévotion du roi. Le trait suivant, se détachant sur le fond des mœurs électorales de la Grèce, donnera une idée du peu d’indépendance du ministère. Le président du conseil était l’amiral Criésis, un vétéran de la guerre de l’indépendance. L’amiral Criésis portait à Hydra, son pays, deux candidats, dont l’un était un ancien président de la chambre des députés, et l’autre un ancien ministre de la justice. Un rival des candidats de l’amiral les accuse auprès du roi de malversations et attaque l’amiral lui-même comme leur complice. Le roi donne raison à l’accusateur de l’amiral Criésis et de ses protégés. Ceux-ci sont rayés de la liste du gouvernement, et cependant l’amiral Criésis n’est pas destitué, il ne donne pas sa démission : il reste, après une telle injure, président du conseil. La conséquence inévitable de l’action ouverte du gouvernement dans les élections, c’est la léthargie des électeurs, convaincus d’avance de l’impuissance de toute opposition indépendante. Les dernières élections se firent donc en Grèce au milieu de l’indifférence haineuse des populations. À Athènes, par exemple, aucune personne un peu respectable n’alla voter. Les gendarmes placés à la Porte de l’église où était disposée l’urne électorale arrêtaient les passans et en faisaient par force des électeurs ; les étudians imitèrent les gendarmes et se mirent à recruter aussi, en charge, des électeurs improvisés. Le résultat des élections fut ce que l’on avait prévu. À très peu d’exceptions près, les candidats du gouvernement furent nommés. Mais l’action du gouvernement ne s’arrête pas au scrutin. Elle répare dans la vérification des pouvoirs les rares échecs qu’elle a pu éprouver devant les collèges électoraux. La chambre des députés, ministérielle en masse, casse sans scrupule comme illégales les élections qui déplaisent au pouvoir. C’est ce qui est arrivé à la fin de l’année dernière. Lorsqu’il reçut la nouvelle chambre des députés, le roi ne voulut pas admettre ceux qui avaient été élus en dehors de la liste gouvernementale ; la reine consentit à les recevoir, mais ne leur donna pas sa main à baiser : c’était l’avant-coureur du sort qui les attendait. Le roi décida bientôt que leurs élections seraient cassées, et elles furent cassées. Dans la discussion, un député ministériel, étalant avec cynisme cette dérision du régime constitutionnel, s’écria : « Nous avons invalidé les élections de MM…… comme entachées de légalité. »

Ainsi se trouve paralysé et discrédité en Grèce le premier ressort du régime représentatif, la chambre élective. Elle a elle-même le sentiment du vice de son origine, il Qui de nous, disait il y a quelques années un député en pleine tribune, qui de nous est assis sur ces bancs en vertu d’un titre régulier ? » Son opinion, son contrôle sont comptés pour rien par les ministres, qui ne tirent leur pouvoir