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joignaient aux envahisseurs ; les soldats désertaient avec la connivence et probablement à l’instigation de l’autorité. À Chalcis, en Eubée, un officier ouvrait la Porte de la prison et en laissait sortir deux cent cinquante condamnés, lesquels, augmentés de cent trente soldats, marchaient à la frontière. Comment le public n’aurait-il pas cru que la cour s’associait du fond du cœur à ce mouvement ? Jamais le gouvernement ne l’avait découragé, non-seulement par un acte de répression, mais par une marque d’improbation. Le préfet de police, M. Tissaminos, avait été destitué, il est vrai, mais seulement après les représentations énergiques des ministres étrangers, et depuis il était parti pour la frontière pour tenter d’organiser avec le procureur du roi, Typaldo, et un avocat distingué d’Athènes, M. Vellos, un gouvernement provisoire en Épire. M. Gosti, premier médecin de la reine et directeur de l’université, avait cherché à modérer les rassemblemens d’étudians qui venaient chanter des chants patriotiques devant le palais ; mais il faisait partie d’un des comités d’organisation de la guerre, et il assistait à la bénédiction des drapeaux des insurgés. La cour, sur les remontrances du corps diplomatique, envoyait un officier pour engager le clergé de l’église de Saint-George à différer la célébration d’un service en l’honneur des insurgés morts à Radovitsi et où M. Panaghioti Soutzo devait prononcer une oraison funèbre ; mais après avoir rempli sa commission, le même officier allait recueillir ouvertement des souscriptions pour les insurgés. Enfin, tandis que M. Païcos essayait d’amuser MM. Forth-Rouen et Wyse par de vagues et stériles assurances, le ministre de l’intérieur, M. Ambrosiades, dans un bal de la cour, disait hautement : « Le gant est jeté, la Grèce ne saurait reculer, et il faut que chacun fasse son devoir. » Puis il demandait aux députés, aux préfets auxquels il adressait ces paroles, sur combien d’hommes chacun d’eux pouvait compter.

Une duplicité pareille ne pouvait être tolérée. On ne pouvait se fier à des ministres qui se souciaient si peu de mettre leurs actes d’accord avec leurs déclarations officielles, et auprès desquels tous les avis étaient impuissans. Il fallait tenter de dire la vérité au roi et de lui ouvrir les yeux sur les périls où il allait précipiter la Grèce et son trône. MM. Forth-Rouen et Wyse demandèrent donc une audience au roi Othon. M. Païcos différa pendant trois jours de transmettre au roi la demande des ministres de France et d’Angleterre. Son mauvais vouloir se trahissait dans les pitoyables prétextes par lesquels il cherchait à détourner cette entrevue : la démarche était inconstitutionnelle ; si les ministres voyaient le roi séparément, elle aurait un caractère moins insolite ; s’ils voulaient s’adresser au roi au nom des puissances protectrices, ils devaient s’adjoindre l’envoyé