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russe, M. Persiani ! À bout de mauvaises raisons, M. Paîcos dut céder. L’audience fut accordée. Le 27 février 185A, le roi reçut donc MM. Forth-Rouen et Wyse dans son cabinet, mais il les prévint que Fentrevue était privée et ne pouvait avoir de conséquences officielles. Cette réserve faite, il se montra disposé à les écouter avec courtoisie.

M. Wyse prit le premier la parole. Ses observations furent l’exposé le plus complet des conseils et des considérations amicales que la France et l’Angleterre, dans la situation actuelle de la Grèce, avaient le droit de présenter au roi Othon.


« Le royaume de Grèce, dit-il, a été créé par les traités. C’est par des traités qu’il a été admis dans la famille européenne. En y entrant, la Grèce a acquis des droits et en même temps elle a contracté des obligations. Pour que ces obligations soient justes, il faut qu’elles soient réciproques ; pour qu’elles soient efficaces, il faut qu’elles soient observées non-seulement à la lettre, mais dans leur esprit. Si, sans provocation, la Turquie, par son peuple ou par son gouvernement, se rendait coupable d’agressions contre le territoire grec, nul doute que le gouvernement grec ne réclamât sur-le-champ, avec raison et avec toute certitude de succès, notre médiation, ou, s’il le fallait, notre intervention. Nous ne pouvons comprendre une justice qui ne s’appliquerait qu’à une partie, ou une obligation qui serait imposée à une partie et que l’autre pourrait rejeter à plaisir. Une insurrection locale vient d’éclater dans une province turque contiguë à la Grèce. Je n’en veux discuter ni les causes, ni la justification, ni les chances. Cette province a pu prendre parla la première et grande lutte de l’indépendance ; elle est unie à la Grèce, non-seulement par des souvenirs, mais par les liens du sang et de la race. Il y a là sans doute des circonstances particulières et des difficultés dont il faut tenir compte ; mais nous ne pouvons admettre un seul instant que ces considérations doivent l’emporter sur les devoirs solennels et la responsabilité du gouvernement grec, les seules choses que le roi et ses ministres doivent avoir en vue. Si les sympathies de sang, de race et de religion devaient régler la politique des états de l’Europe, c’en serait fait de tout droit international ; il n’y aurait plus de sécurité pour les états et pour les souverains. La France pourrait tenter d’insurger la Belgique, le Piémont, la Lombardie, chaque état les pays qui seraient à sa convenance. Il y a heureusement un meilleur principe et une meilleure garantie de la foi internationale : c’est le respect des traités. C’est ce principe, et non la mobilité des prédilections ou des passions, qui maintient la cohésion des différens membres de la grande famille européenne, et c’est pour le défendre que les gouvernemens sont forcés parfois de s’unir.

« Il est regrettable, ajouta M. Wyse, que ces principes aient été méconnus dans les derniers actes du peuple, et je dois ajouter. du gouvernement grec. » Puis il récapitula les divers faits que nous venons d’énumérer, et par lesquels, sans aucune provocation de l’empire ottoman, le peuple grec, sous les yeux du gouvernement, et sans aucun effort de sa part pour les prévenir, plaçait la Grèce dans un état d’hostilité flagrante vis-à-vis de la Turquie. » Chacun