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les efforts pour ramener son pays à des conditions plus normales. Cependant il n’est point aisé d’effacer les traces de tant de violences et de faire prévaloir subitement une politique plus juste. Sur bien des points, les insurrections ont tourné en brigandages ;. la piraterie s’est développée. Ce n’est pas tout encore : les faits les plus tristes auraient été découverts, des faits de concussion où se trouverait mêlé l’ancien ministre de la guerre, aide de camp du roi. Tout ce mouvement grec, qu’a-t-il donc amené ? L’occupation étrangère, dernière garantie peut-être de la paix de ces contrées. Quant à ces provinces turques de l’Épire et de la Thessalie, le résultat est la dévastation qui a passé sur elles, œuvre des prétendus libérateurs au moins autant que des Turcs. Tout un pays ravagé, des populations massacrées, la Grèce occupée militairement, la guerre en Europe et en Asie, l’Occident en armes sans l’avoir voulu, tous les intérêts suspendus et éprouvés par ces crises, voilà ce qui rend témoignage dès ce moment contre la Russie. Si l’on remonte à la cause unique des événemens actuels, elle n’est point autre en effet que l’excès d’une ambition menaçante, l’invasion sans droit, sans déclaration de guerre même, du territoire ottoman par la Russie. Ce n’est point certes le spectacle le moins surprenant qu’au milieu du xixe siècle, au milieu des garanties nouvelles et des intérêts développés par la civilisation, il puisse être donné à une politique inexorable de troubler tout à coup cette paix que l’Europe croyait avoir achetée assez cher et assurée !

Tel est donc encore aujourd’hui l’état de cette crise générale où chaque peuple a son rôle. La politique extérieure de la France est là tout entière. Quant à la situation intérieure de notre pays, elle se manifeste moins peut-être par des événemens que par le cours uniforme des choses et par cet ensemble de faits journaliers où se peuvent lire les symptômes d’un temps. Voici bien des mois déjà que de toutes parts il se discute une question où il n’est point difficile de voir un des signes du travail qui s’accomplit. Il s’agit de l’observation du dimanche. Certes une telle question ne peut offrir aucun doute pour un esprit religieux. Il y a plus même : en dehors de toute considération religieuse, le simple bon sens la résout, et l’étrange expérience faite autrefois par nos réformateurs révolutionnaires est le plus éclatant témoignage en faveur de l’observation du dimanche, qui religieusement est le jour de la prière et humainement le jour du repos nécessaire ; mais il en est de cette question comme de beaucoup d’autres que la pratique résout aisément, et qui se compliquent en passant dans une certaine sphère. Par exemple, la loi garantira-t-elle l’observation du dimanche ? C’est à ce sujet que le gouvernement a cru devoir manifester sa pensée par une note officielle où il déclare que l’état donnera l’exemple de la suspension du travail le dimanche, mais qu’il n’a point à intervenir par la loi. Cette solution est assurément la meilleure au point de vue religieux aussi bien qu’au point de vue du rôle de l’état. Outre ce qu’il y a toujours de difficile dans l’exécution d’une loi de ce genre, il en résulte souvent que l’esprit d’opposition, prompt à saisir toutes les armes, tourne une contrainte légale contre la religion elle-même. On se fait à peu de frais le héros de la liberté de conscience violée. À tout prendre, les mœurs ont une autre puissance que la loi en semblable matière. C’est sur les mœurs qu’il faut agir, c’est à la liberté individuelle