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éminens par l’intelligence ou d’une compétence incontestable par l’expérience qu’ils ont acquise au service du gouvernement de l’Inde, partagent nos convictions à ce sujet. Il ne nous semble pas pourtant qu’aucun d’eux ait dans ces derniers temps étudié spécialement le rôle que la société hindoue avait été appelée à remplir dans le monde oriental et l’influence qu’elle y exerce encore aujourd’hui.

Nous avons passé bon nombre d’années au milieu de cette population mélangée et cependant homogène à beaucoup d’égards, de cette société hindoustany, qui semble marquée au sceau du brahmanisme et de l’islamisme ; nous avons même été adopté par elle, pour ainsi dire, pendant une portion notable de notre vie, et nous avons eu de fréquentes occasions d’étudier de près les mœurs du pays. Eh bien ! nous avons pu constater de bonne heure que l’influence des institutions et des usages hindous était dominante parmi toutes les populations d’origine étrangère. Ce n’est pas sans quelque surprise et sans une vive satisfaction que nous avons trouvé dans un ouvrage récent publié par l’éminent magistrat anglais ancien président de la cour suprême de Bombay, sir Erskine Perry, le passage suivant, qui confirme d’une manière frappante la justesse de cette remarque :


« Telle est l’influence des usages et des opinions des Hindous sur les hommes de toutes castes ou couleurs qui sont en relations habituelles avec eux, que graduellement tous prennent une teinte hindoue (si l’on peut s’exprimer ainsi) qu’il est impossible de méconnaître. Parsis, Moghols, Afghans, Israélites et chrétiens qui sont établis depuis longtemps dans l’Inde ont subi cette influence et échangé une bonne partie de leur ancien patrimoine d’idées contre les notions, la manière de voir, le ton habituel de la société hindoue. En observant ce phénomène, j’ai souvent été conduit à le comparer au phénomène géologique que présente, selon les savans, le sol noir du Dhăkkhân, qui a la propriété de s’assimiler toute substance étrangère introduite dans son sein[1]. »


Un fait social d’une aussi grande portée attirait invinciblement nos réflexions et nos études ; nous avons donc voulu remonter à la source de l’influence exercée par les Hindous sur les immigrans qui se sont établis au milieu d’eux, de gré ou de force, sans se mêler à leur antique race. Or, chez un peuple où la vie extérieure et la vie intérieure sont depuis un temps immémorial dans la dépendance obligatoire, permanente, intime, d’une seule et même formule réglementaire, l’observance de la loi divine, — les mœurs sont avant tout le résultat des institutions. Il fallait donc chercher à apprécier le véritable caractère de ces institutions émanées de Dieu même, selon les Hindous, et révélées par les Védas à l’origine des siècles. Ce qu’il

  1. Cases illustrative of Oriental Life, etc., p. 112.