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PERSPECTIVES
SUR
LE TEMPS PRÉSENT


DE L’HOMME ÉCLAIRÉ.


Si la France n’est pas en état de belle et parfaite santé, ce n’est point faute de médecins et de systèmes. Énumérer les panacées universelles qui ont été proposées serait déjà une rude tâche ; nous avons une multitude de grands principes dont l’usage exclusif nous a été conseillé : le grand principe d’autorité, le grand principe de liberté, sans compter le grand principe d’anarchie et le grand principe de communauté. Nous les avons tous essayés tour à tour, et nous n’avons guère eu à nous louer de leur efficacité. Peut-être la raison de ces nombreux insuccès se trouverait-elle précisément dans l’emploi exclusif de chacun de ces remèdes, qui, pris à part et à trop forte dose, ne manquent jamais d’engendrer une maladie nouvelle, au lieu de guérir l’ancienne. Nous payons ainsi une foule de taxes morales, beaucoup plus lourdes que les taxes matérielles ; nous payons en servitude la protection qu’on nous offre contre l’anarchie, et en anarchie les vengeances que nous tirons de la servitude ; mais ni la servitude ni l’anarchie ne disparaissent, aucune des deux n’est punie, et c’est nous-mêmes qui recevons les coups que nous destinions à ces êtres abstraits et métaphysiques.