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d’affaiblir visiblement l’autorité royale, et qu’il était malheureusement plus facile d’introduire qu’il ne l’est aujourd’hui de les rapporter ou de les modifier….. Si le gouvernement britannique s’est prononcé moins hautement que ses alliés contre quelques-uns des actes du ministère français, s’il s’est moins fréquemment permis d’exprimer le pressentiment de dangers auxquels peut conduire le système suivi en France, soyez convaincu qu’il n’en a pas moins observé avec la plus grande attention les événemens qui se sont succédé dans ce pays. Un certain degré de réserve est l’attitude la plus convenable de la part des cours alliées à l’égard du gouvernement français dans l’état indécis où se trouvent actuellement ses affaires ; mais cette réserve doit, selon nous, avoir le caractère d’une sage déférence pour le sentiment national et les institutions existantes. Nous continuons à penser que toute démarche comminatoire et toute intrusion dans les querelles qui divisent le peuple français ne feraient qu’irriter au lieu de concilier. Nous sommes loin sans doute de nous flatter de l’espérance qu’une conduite quelconque de la part des alliés puisse les garantir d’une manière absolue contre toutes les chances désastreuses de l’avenir ; nous croyons seulement… que la politique circonspecte dont nous avons développé et recommandé les principes est encore celle qui offre le plus d’avantages… — La forme de notre gouvernement doit nécessairement nous rendre plus circonspects que les autres états dans nos rapports avec les puissances étrangères, mais cette circonspection est surtout indispensable à l’égard de la France, nation longtemps rivale et ennemie de la Grande-Bretagne, par conséquent plus facile à s’irriter de ses procédés que de ceux de tout autre état. »


Cette lettre, pleine d’un si admirable bon sens, fut communiquée aussi aux cours de Saint-Pétersbourg et de Berlin. Dans une autre lettre, tout à fait confidentielle, que lord Castlereagh écrivait un mois plus tard à lord Stewart, il lui disait à l’occasion du projet qu’avait eu le prince de Metternich de faire un voyage en Angleterre :


« J’aurais éprouvé une satisfaction toute particulière à le voir en Angleterre, non-seulement pour être à même de lui rendre toutes les attentions personnelles que j’ai reçues de lui pendant mon séjour sur le continent, mais parce que je me serais promis le plus grand avantage des efforts que j’aurais faits pour lui expliquer sur place les nombreuses particularités dont il faut tenir compte en ce pays dans la conduite de certaines portions de la politique extérieure. J’ai la conviction qu’en peu de jours de rapports personnels sur ce terrain, nous en serions venus à nous comprendre si parfaitement l’un l’autre, que notre correspondance, pour quelque temps au moins, n’eût plus été qu’un bulletin de ce qui se serait passé. »


Le prince de Metternich répondit bientôt à la communication anglaise par une dépêche à laquelle était jointe, en guise de commentaire, une lettre particulière où l’on retrouve ces formes raides et pédantesques, ce goût d’argumentation théorique qui s’allient si singulièrement en lui à un grand sens politique et à une rare souplesse d’esprit :