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à 67,539,000. Ainsi le budget de 1854 roule sur un chiffre de 1,700 millions de francs. La nation s’est rarement montrée plus libérale des trésors amassés par le travail. Il faut remonter dans les annales de l’Angleterre jusqu’à l’année 1816 pour en trouver un autre exemple.

Les dépenses de l’année financière 1853-54, qui avaient été évaluées à 52,183,000 livres sterling, n’ont pas excédé en réalité la somme de 51,171,000 livres sterling. Par une exception qui devient de plus en plus rare, et qu’il convient de proposer à l’imitation de l’Europe continentale, le gouvernement anglais a dépensé un million sterling de moins qu’il n’avait demandé et a reçu un million de plus qu’il n’avait osé espérer. Il a recueilli ainsi le fruit de ses calculs, et la fortune cette fois a été le prix de la sagesse.

Le budget de 1854, comparé à celui de 1853, fait ressortir une différence d’environ 12 millions sterling. Ce chiffre de 300 millions de francs représente les dépenses de la guerre ; mais comme le revenu de 1853 avait laissé un excédant disponible, l’insuffisance des recettes ordinaires ne paraît devoir être que de 10 millions sterling. Par quels moyens le gouvernement britannique y a-t-il pourvu ?

La ressource la plus importante sera puisée dans l’impôt sur le revenu. Cette taxe était de 7 deniers par livre sterling de revenu, proportion légèrement inférieure à 3 pour 100. On la porta à 1 shilling 2 deniers, ce qui représente un peu moins de 6 pour 100[1], et l’on obtient une recette supplémentaire de 6,587,500 livres sterling, qui doit élever le produit total de la taxe pendant l’exercice à 12,862,000 livres sterling (321,550,000 fr.), somme qui égale, à quelques millions près, les produits cumulés de l’impôt foncier et de l’impôt mobilier en France[2].

On s’est demandé pourquoi le gouvernement britannique, qui trouve sans peine dans une augmentation de l’income tax les deux tiers de la somme destinée à défrayer la guerre, n’avait pas simplifié la difficulté en élevant un peu plus le tarif de cette taxe, ce qui l’eût dispensé de créer ou de modifier d’autres impôts. Avec un tarif de 8 pour 100, l’income tax eût donné plus de 17 millions sterling, dont environ 11 millions à titre de ressource extraordinaire. Quel capitaliste, quel propriétaire se serait plaint d’avoir à payer au fisc le douzième de son revenu ? Y a-t-il un pays au monde où l’impôt foncier, quand il est établi, ne pèse dans une proportion plus forte ? Les fruits du capital dans la Grande-Bretagne auraient encore été taxés

  1. Plus exactement 5 88/100es pour 100.
  2. Le produit de l’impôt foncier, principal et centimes additionnels, a été évolué, pour l’année 1854, à 264,345,193 fr., et le produit de l’impôt personnel et mobilier à 63,782,941 : total des deux taxes, 328,128,134 fr.