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nous vous demandons de montrer ce que vous êtes ; nous éprouvons de quel métal vous êtes faits. Nous vous proposons d’ajouter 10 millions sterling aux charges publiques, et nous prétendons que ce sera là un effort que la raison peut avouer. N’êtes-vous pas capables de faire aujourd’hui ce que firent en 1798 M. Pitt et les Anglais de cette époque, quand la population de l’Angleterre n’égalait pas la moitié de la population de notre temps ? Les importations à la fin du siècle dernier ne représentaient pas le quart des importations actuelles ; les exportations s’élevaient à peine au tiers du chiffre qu’elles atteignent de nos jours, 33 millions sterl. en présence de 98 millions. Telle est l’indomptable vigueur, telle est la merveilleuse élasticité de notre industrie, que même avec le désavantage d’une mauvaise récolte et sous la pression de la guerre, les importations augmentent jour par jour, heure par heure ; les documens que nous venons de déposer sur la table de la chambre prouvent que dans les trois derniers mois de l’année financière (janvier, février et mars 1854), une augmentation de 250, 000 liv. sterl. s’est déclarée dans les exportations. Voilà quelle est votre situation, voilà les circonstances sous l’empire desquelles nous venons faire appel à votre patriotisme. »


Le parlement et la nation britanniques ont fait leur devoir. M. Gladstone vient d’obtenir, pour l’année 1854, le même impôt extraordinaire, les 10 millions sterling que M. Pitt, dans sa tardive prévoyance, avait arrachés au parlement de 17908. L’Angleterre ira beaucoup plus loin, s’il le faut. Au besoin, elle pourrait porter l’income tax a 11 pour 100 du revenu, sans exagérer l’impôt direct, sans accabler les contribuables et sans déranger l’économie régulière des finances. On aurait alors un supplément de budget entièrement disponible pour la guerre d’au moins 20 millions sterling (500 millions de francs), qui permettrait d’ajouter cent mille hommes à l’armée de terre et d’armer cinquante vaisseaux de plus. Cet effort ne serait ni pénible ni éphémère ; ce ne serait pas comme en Russie le dernier souffle de finances expirantes. L’accroissement qu’aurait pris ainsi le revenu public deviendrait sans peine une récolte annuelle que l’on renouvellerait tant que l’on voudrait. De 1801 à 1810, la moyenne de l’impôt que supportait le peuple anglais s’élevait par année et par tête à 5 liv. 12 sh. 1 d., soit un peu plus de 141 francs. Dans la seconde période décennale du siècle, cette moyenne, suivant les calculs de M. M’Culloch, descend à 3 liv. 15 sh. 6 d., pour tomber à 2 liv. 5 d., environ 50 francs, dans la troisième période. Qui doute que l’Angleterre soit en état de payer aujourd’hui, avec cette accumulation de capitaux que le monde lui envie, une somme de taxes égale ou même supérieure à celles que l’échiquier percevait il y a trente ans ? Au taux de 110 francs par tête, qui représente le budget de 1815, le royaume-uni, avec ses vingt-sept millions d’habitans, pourrait élever à 3 milliards de francs le tribut annuel des recettes. À ce compte, la Grande-Bretagne disposerait pour développer