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un moyen de service. La banque d’Angleterre prend une grande partie des bons de l’échiquier : le reste se place le plus souvent avec bénéfice entre les mains des capitalistes de la Cité. Voilà donc encore une ressource qui peut s’étendre. Le gouvernement anglais, quand il ne lui conviendra pas d’emprunter en rentes, aura la faculté d’augmenter l’émission des bons de l’échiquier. Une dette flottante de 7 à 800 millions de francs n’éveillerait assurément aucune inquiétude dans un pays où les capitaux courent après les placemens, et qui est comme un immense atelier où se forge incessamment la richesse.


III. – LES FINANCES DE LA FRANCE.

On vient de voir l’Angleterre consacrer sans effort à l’augmentation de ses arméniens, pendant la campagne de 1854, de 250 à 300 millions. La France, en concourant au même but, s’impose un sacrifice semblable. Les crédits extraordinaires ouverts jusqu’à présent en dehors du budget de l’année, pour l’accroissement de nos forces de terre et de mer, s’élèvent à 276 millions. Nous irons au-delà, si les circonstances l’exigent. La France a pour ressources la richesse de son territoire et celle de son industrie, sans compter un crédit solidement fondé, et qui ne le cède qu’à celui de l’échiquier britannique. On peut ajouter que, si la notion du devoir s’est affaiblie dans l’ordre politique, l’énergie du sentiment national se retrouve encore entière devant un agresseur étranger.

Ce que la France entreprend aujourd’hui avec le concours de l’Angleterre et avec l’alliance de l’Autriche, elle était de taille à l’accomplir seule par ses trésors et par ses soldats. Cependant les conditions sont diverses, sinon inégales. Une population plus nombreuse et plus naturellement belliqueuse que celle du royaume-uni nous permet d’entrer en ligne avec de plus puissantes années ; mais ce serait flatter et par conséquent tromper le peuple français, que d’affirmer que ses finances sont aussi prospères.

Sans doute, le passé nous a légué, malgré la triste nécessité de nous racheter de l’invasion et des révolutions, des charges infiniment moins lourdes. Notre dette en capital représente à peu près le tiers de celle de l’Angleterre, et le service des intérêts, en y comprenant, il est vrai, la dépense fictive de l’amortissement et l’intérêt de la dette flottante, s’élève à une somme moitié moindre, qui oscille entre 350 et 360 millions. L’impôt est peut-être mieux assis chez nous, plus également partagé entre les taxes directes et les taxes indirectes, et les contribuables ne l’ont jamais servi avec une plus édifiante