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ou prêter à l’état pour ses besoins extraordinaires, ou bien employer en commandite de l’industrie, soit au dedans, soit même au dehors ! l’imagination s’effraie de mesurer la hauteur de ces chiffres. Quelle puissance pour le mal comme pour le bien !

Nous avons passé en revue les forces, de l’impôt ; mais le crédit n’est pas fermé à l’Angleterre. On comprend que le gouvernement britannique hésite avant de rouvrir la carrière des emprunts ; le passé peut lui servir à la fois de leçon et d’épouvantail. Comment ne pas trembler à la seule pensée d’ajouter à l’importance d’une dette qui, à la fin de la dernière guerre, s’est trouvée accrue en capital de 15 milliards et de 600 millions pour l’intérêt ? Aujourd’hui encore le service des intérêts, sans parler de l’amortissement qui ne figure qu’accidentellement dans l’emploi des excédans de recettes, entraîne une dépense annuelle d’environ 700 millions de francs. Cette charge, depuis quarante ans, a diminué de 75 millions à peine ; elle absorbe la moitié du revenu brut. Rien n’est donc plus légitime que la sollicitude avec laquelle le ministère veille à ne pas aggraver le fardeau que la liquidation du passé a fait retomber sur la génération actuelle ; mais l’on se tromperait grossièrement, si l’on allait prendre cette réserve calculée pour un aveu d’impuissance. Le 3 pour 100 consolidé, bien que les circonstances aient pesé sur les cours, est côté encore à 92, c’est-à-dire 20 pour 100 plus cher que le 3 pour 100 français, et 70 pour 100 plus cher que le 4 1/2 pour 100 russe. Cela signifie apparemment que les capitalistes ont une plus grande confiance dans le gouvernement du royaume-uni que dans tous les autres gouvernemens de l’Europe, et qu’ils s’empresseraient, le cas échéant, de lui apporter leur argent. D’ailleurs l’Angleterre pourrait emprunter aujourd’hui sans augmenter les charges de son budget ordinaire. L’extinction des longues annuités va réduire la dette en 1860 d’un capital d’environ 500 millions de francs, et d’une dépense annuelle de 32 millions. Ainsi, au taux actuel du 3 pour 100 consolidé, l’échiquier, pour 32 millions de rente, emprunterait aisément plus de 900 millions de francs, soit, de 1855 à 1860, près de 200 millions par année, sans ajouter un centime à l’intérêt de la dette publique. N’est-ce pas là une situation qui doit fortifier la confiance des alliés de l’Angleterre et conseiller la prudence à ses ennemis ?

Pour achever la description de ces forces financières, il convient de rappeler que la dette flottante, qui servait de vestibule à l’emprunt pendant la dernière guerre et qui s’éleva pour l’exercice 1815 à 58 millions sterling (1,450,000,000 francs), proportion digne des finances russes, oscille aujourd’hui entre 450 et 500 millions de francs. Réduite à ces termes, elle n’est plus qu’une affaire de trésorerie,