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de l’année. Le décret du 5 août, qui vise le testament de l’empereur Napoléon, y ajoute 8 millions encore. D’autres nécessités ne tarderont pas à se révéler. Par exemple, l’état pourra-t-il laisser à la charge de la ville de Paris les 20 ou 25 millions que va faire peser sur le budget municipal la réduction artificiellement opérée du prix du pain à 40 centimes le kilogramme pour toutes les classes de la population, réduction qui dure depuis près d’une année ? Pourra-t-il, lui l’auteur de la mesure, ne pas en supporter les conséquences quand l’événement aura démontré que si l’on est maître de donner le pain à bon marché, aux dépens d’un trésor quelconque, quand le blé est cher, il n’est pas aussi facile de contraindre douze cent mille consommateurs à payer leur pain cher lorsque le blé se vend à bas prix ? La doctrine des prix moyens à établir par voie de compensation entre les temps de hausse et les périodes de baisse vaut celle du maximum et appartient à la même famille. Les gouvernemens se fourvoient quand ils prétendent régler la valeur commerciale des produits. Le prix des denrées dépend de leur rareté ou de leur abondance. Ce sont là des phénomènes qui échappent à l’action du pouvoir tout aussi naturellement que la marche des saisons. En un temps où prédominent les intérêts matériels, la liberté des transactions semble la dernière à laquelle on puisse porter une atteinte durable.

D’autres causes doivent affecter la dette flottante. Nous n’avons pas parlé des dépenses extraordinaires ; cependant il est facile d’apercevoir dès à présent que l’emprunt ne les couvrira pas : l’excédant est déjà de 26 millions. D’ailleurs les dépenses de la guerre n’en resteront pas là. Avec plus de cinq cent mille, hommes sous les armes et avec trois escadres à la mer, nous atteindrons probablement le chiffre de 300 millions, même sans déployer de nouvelles forces. Les ressources créées par l’emprunt présenteront donc une insuffisance de 50 millions à laquelle la dette flottante devra pourvoir. Le découvert, à juger de l’état des finances par les documens très sommaires et très incomplets que le gouvernement fournit, excédera sans doute de beaucoup la somme énorme de 800 millions à la fin de cet exercice. Parvenue ainsi à son point culminant, la dette flottante dépassera de 200 à 250 millions les limites les plus tendues d’une situation normale. L’emprunt aurait dû servira consolider une partie des découverts, si la guerre n’en eût réclamé l’emploi. Quand sera-t-on en mesure de travailler à cette liquidation, si la guerre se prolonge ?

Un budget trop chargé de dépenses, une dette flottante hors de toute proportion, et une accumulation de capitaux annuellement moins considérable, voilà par quels côtés le champ de nos finances, comparé à celui des finances britanniques, paraîtra moins étendu ; on peut en tirer cependant d’abondantes ressources. Il ne s’agit que de ménager d’une main plus avare les trésors du pays dans les temps