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de calme, et d’en diriger l’emploi avec plus de prévoyance au moment des difficultés. La France est aujourd’hui deux ou trois fois plus riche qu’à l’époque où nous avons successivement payé une rançon de 1,500 millions à l’étranger et une autre de 800 millions aux émigrés. Si les économies nouvelles de la nation n’y suffisent pas, nous prendrons sur les capitaux accumulés depuis trente ans pour nourrir la guerre. Quand l’holocauste deviendra nécessaire, les millions, les centaines de millions et même les milliards ne nous coûteront pas.

Ce que l’on doit rechercher en attendant des nécessités plus impérieuses, ce sont les moyens de poursuivre la lutte sans déranger l’équilibre des finances publiques, et sans porter le trouble dans les régions du commerce et de l’industrie. Supposons qu’en évacuant la Valachie et la Moldavie l’armée russe n’ait songé qu’à renforcer sa ligue de défense, et que le cabinet de Pétersbourg ne se dispose pas à donner à l’Europe les garanties que les puissances de l’Occident réclameront avant de poser les armes ; les opérations militaires devront continuer, peut-être même s’agrandir : il faut donc nous préparer à une seconde campagne. Quels seront les moyens de la rendre décisive et d’amener le triomphe du bon droit ?

Ces moyens sont l’impôt et l’emprunt. En présentant le 6 mars au corps législatif le projet de loi qui autorisait le ministre des financés à emprunter 250 millions, le gouvernement a exposé les motifs qui le déterminaient pour cette année à ne rien demander aux contribuables. » Personne ne pensera qu’il soit possible de demander à une extension considérable du chiffre actuel de la dette flottante toutes les ressources qu’exigent dès à présent les services de la guerre et de la marine. L’augmentation de l’impôt n’est pas non plus une ressource applicable à des supplémens de défense larges et prompts comme ceux que nécessite la transition de l’état île paix à l’état de guerre. S’adresser à ce moyen serait d’ailleurs faire peser sur le présent ce qui doit être plus naturellement la charge de l’avenir. C’est aux prospérités de la paix qu’il convient de demander la compensation des souffrances de la guerre. L’emprunt seul peut subvenir largement et sans retard aux nécessités financières résultant d’une situation que la France n’a pas recherchée, mais devant laquelle elle ne reculera pas. »

Si le gouvernement avait dit : « La disette de 1853 a porté la gêne dans les familles ; les épargnes sont dévorées par les nécessités quotidiennes et ne se renouvellent pas ; les contribuables épuisés acquittent péniblement les charges ordinaires de l’impôt. On ne peut pas songer aujourd’hui, ni avant que les économies annuelles de la nation se reforment, à les surcharger d’un supplément de taxes. Ce serait aggraver leur détresse et ajouter aux embarras de la situation.