Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/1250

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sati-, semant les traits hardis, animant parfois ces scènes rapides de mots heureux et d’une verve mordante. Une des scènes les plus amusantes de cette comédie, qui est moins une comédie qu’une satire, c’est celle où le grand écrivain reçoit la visite d’un honnête provincial qui vient saluer son génie, et qui connaît bien mieux ses livres qu’il ne les connaît lui-même. Le grand écrivain est pris en flagrant délit d’ignorance de ce que contient un de ses livres, et alors il se rejette sur son secrétaire, lequel n’est pas lui-même l’auteur, si bien que le roman finit par être de père inconnu. Comment finit la comédie de M. Limayrac ? Elle finit par une révolution. C’est beaucoup pour le dénoûment d’une comédie ; c’est une grande erreur si l’auteur croit que les révolutions sont la fin des ambitions, des cupidités et des hypocrisies ; elles ne font au contraire que leur communiquer un redoublement sinistre ; elles créent une issue nouvelle à toutes les défections de la conscience, et quand elles s’inaugurent, et quand elles viennent à se clore. Le monde moderne est plein de ces leçons, et la politique contemporaine porte la trace de toutes ces blessures au milieu du mouvement plus régulier qui se poursuit aujourd’hui.

Pour le moment, un des traits de la politique actuelle en Europe, c’est la réunion, simultanée des parlemens de divers pays. En même temps, ou à peu de jours de distance du moins, s’ouvraient les chambres d’Angleterre, de Prusse, de Piémont, les plus anciennes et les plus nouvelles. La reine d’Angleterre, dans son discours, payait un juste tribut d’éloge et de sympathie à ces intrépides armées qui combattent en Crimée. Elle semblait d’ailleurs nourrir peu d’espérances de paix. Il n’est point douteux que les esprits sont divisés en Angleterre : il y a ceux que la passion anime contre la Russie, qui ne reculent point devant les perspectives d’une guerre ardente, extrême, infatigable, et il y a aussi les hommes qui, mesurant les intérêts engagés, seraient prêts à faire la paix à des conditions suffisantes. Ces divisions se retrouvent visiblement dans les deux chambres anglaises, mais elles s’effacent et disparaissent dans un sentiment commun de patriotisme. Les premières discussions qui se sont engagées ne portent point un autre caractère. Quant au parlement prussien, les affaires extérieures ne pouvaient y trouver place. Les chambres de Berlin ne discutent point d’adresse en réponse au discours du chef de l’état. Le roi Frédéric-Guillaume d’ailleurs réserve avec une extrême jalousie sa prérogative quant à la direction de la politique extérieure. C’est donc au point de vue intérieur que les premières opérations du parlement prussien peuvent avoir surtout une signification, et à ce point de vue tous les avantages restent au parti libéral. Dans la seconde chambre, c’est le comte de Schwerin, candidat de ce parti, qui a été élu président ; c’est M. Bethmann-Hollweg, l’un des chefs du libéralisme prussien, qui a été élu vice-président. La première chambre, qui, comme on le sait, a été récemment reconstituée, a vu se produire un incident singulier. Les princes médiatisés qui en font partie ont semblé dédaigner de venir prendre place dans une assemblée délibérante, et le roi n’est point sans avoir ressenti ce procédé peu courtois. Il s’est étonné, dit-on, que ces princes, qui étaient trop heureux en 1848 défaire appel à l’armée prussienne, trouvent aujourd’hui au-dessous d’eux de siéger dans une chambre de Berlin. Les travaux du parlement vont