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c’est une révolution. Qu’est-il arrivé cependant le jour où la révolution s’es un peu calmée en Espagne et où la réalité a repris son empire ? La monarchie a retrouvé sa place, marquée par le sentiment le plus invincible du pays. Tandis qu’on déclamait encore, le président des cortès se rendait tout naturellement au palais pour offrir ses hommages à la reine. L’un des membres du cabinet qui passait pour nourrir des idées républicaines, le général Allende Salazar, faisait ouvertement devant le congrès une profession de foi monarchique, et depuis même il s’est défendu avec énergie du triste mérite qu’on lui avait fait d’avoir parlé avec peu de respect à la reine au mois de juillet. Ainsi la réalité retrouvait sa puissance, et le jour où la question a été posée et discutée solennellement dans l’assemblée, combien s’est-il rencontré de voix contre la monarchie ? Il y a eu 20 votes contre 200. Le général Prim a eu la conscience d’avouer que s’il n’avait point été nommé député dans les premières élections à Barcelone, c’est qu’il avait publié un manifeste où son sentiment monarchique n’éclatait pas avec assez de vivacité.

C’est donc là un élément d’incertitude de moins dans la situation de l’Espagne. Malheureusement l’incertitude reste encore dans le congrès et dans le pouvoir ministériel, et ici encore on pourrait être trompé par les apparences dans un sens inverse. En apparence, le duc de la Victoire est certainement le maître de la situation de la Péninsule, et même dans une certaine mesure il en est ainsi. Espartero a été nommé président de l’assemblée constituante. Ce vote de confiance à peu près unanime le désignait naturellement au choix de la reine, qui l’a chargé de nommer un nouveau cabinet. En réalité, le nouveau ministère était le même que le précédent, sauf M. Pacheco, qui a été remplacé aux affaires étrangères par M. Luzurriaga, et M. Alonzo, qui a eu pour successeur à la justice M. Aguirre. Le général O’Donnell restait dans le conseil, dont Espartero était le chef. Le duc de la Victoire paraissait indubitablement investi de la confiance universelle. Qu’arrivait-il pourtant ? Deux jours après, le congrès, au milieu de toute sorte de propositions incohérentes, votait, malgré les efforts du ministre des finances, l’abolition d’un impôt qui rapporte au trésor une somme de près de 200 millions de réaux. Une nouvelle crise ministérielle surgissait, et l’assemblée avait à raffermir le cabinet par un nouveau vote de confiance. Que voulons-nous prouver ici ? C’est que l’incertitude est partout, la direction nulle part. Une chose est claire cependant au milieu de cette incertitude, l’élément libéral modéré domine dans l’assemblée espagnole. Là est le point d’appui d’Espartero, et il parait le comprendre aujourd’hui, puisque le ministère semble devoir se fortifier dans ce sens. Nous ne disons pas que toutes les difficultés seraient écartées ainsi, mais du moins une force politique serait créée, une direction serait imprimée au gouvernement de l’Espagne. ch. de mazade.