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plupart des personnes, hommes ou femmes, qui embrassaient la règle de l’un des deux ordres, s’imposèrent pour modèles saint François ou sainte Catherine. Les regards fixés sur leurs images, méditant la passion du Sauveur et appelant de tous les élans de la prière la plus fervente le don des stigmates, ces mystiques furent quelquefois assez heureux pour déterminer le même miracle. Madeleine de Pazzi, Hieronyma Caruaglio reçurent sur leur corps les empreintes de cinq rayons de sang mêlés de feu qui s’échappèrent du ciel ; Ursule Aguir, qui s’imaginait déjà porter sur la tête une couronne d’épines invisible, étant à prier, en 1592, dans une église le jour de la fête de saint Benoît, vit sainte Catherine lui apparaître un crucifix à la main ; les clous qui perçaient les membres du Sauveur se détachèrent et allèrent se fixer à ses mains et à ses pieds. Ursule tomba sans connaissance, puis, revenant à elle, elle pria le Seigneur, comme on dit que l’avait fait sainte Catherine, de ne point rendre ses stigmates visibles, ce qui lui fut accordé. C’est encore en méditant devant un crucifix que sainte Gertrude d’Oosten ressentit les douleurs des cinq plaies, qui ne tardèrent pas à devenir visibles. On retrouve les mêmes rayons de feu s’échappant, soit du crucifix, soit des profondeurs célestes, dans la stigmatisation d’Anne de Vargas, retirée au couvent de Sainte-Catherine à Vallisolet en Espagne, dans celle de Colombe Rocasani, de Jeanne de Verceil, de Stephana Quinzani, de Marie de Lisbonne, etc.

L’influence de l’exemple est donc manifeste. Les méditations sur les stigmates de sainte Catherine ont réagi sur l’imagination des femmes qui l’avaient pour patronne ou qui se la proposaient pour modèle. Plus rarement le martyre allégorique de saint François eut le même effet sur les esprits féminins ; on en a cependant quelques exemples. Angela della Pace, jetant les yeux dans une chapelle sur une image de la stigmatisation de saint François, crut entendre le religieux d’Assise lui parler et répondre à la demande qu’elle lui faisait. « Ce ne sont pas des plaies que tu vois, mon enfant, dit-il à Angela, qui n’avait alors que neuf ans, ce sont des joyaux, » et comme la petite exprimait le vœu d’en recevoir de semblables, elle vit soudain s’ouvrir la voûte de la chapelle, en descendre le Sauveur sous la figure d’un enfant crucifié enveloppé de lumière, qui lui imprima les miraculeuses plaies. Angela tomba sans connaissance en poussant un cri de douleur. On accourut à son secours, et on amena des médecins qui trouvèrent marqués sur ses membres les mêmes stigmates que représentait l’image devant laquelle elle était prosternée.

Nous ne multiplierons pas les récits des visions bizarres qui, à partir du XVe siècle, attestèrent l’action fascinatrice exercée par le phénomène des stigmates. On remarquera seulement que chaque fois les visionnaires ajoutaient des circonstances qui rendaient leur