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martyre plus semblable à celui de Jésus. Déjà sainte Catherine de Sienne avait reçu, disait-on, la couronne d’épines. Sainte Catherine de Raconisio sentit sur le front l’empreinte d’une double couronne, qui se retrouve aussi chez Jeanne de Jesu-Maria, de Burgos. Les horreurs de ce supplice, infligé également à Jeanne-Marie de la Croix, religieuse Clarisse de Roveredo, à Marie Villana, à Vincentia Ferreria de Valence, se joignirent, chez Véronique Giuliani, à la réception du calice d’amertume qui avait été présenté au Sauveur par un ange dans le jardin des Oliviers ; elle en avait bu plusieurs fois le fiel. Ce même calice était venu s’approcher des lèvres de sainte Catherine de Raconisio, alors qu’elle contemplait avec ravissement une image de saint Pierre crucifié, sur laquelle on lisait ces mots : Ma fille, prends et bois le sang qui a été versé pour ton salut. La bienheureuse Archangela Tardera, sainte Lutgarde, la bienheureuse Catherine Ricci de Florence, éprouvèrent les effets de la flagellation du Christ et en conservèrent les marques. Stephana Quinzani, dont le nom a déjà été prononcé, portait à la fois les stigmates de la flagellation et ceux de la couronne d’épines. Sainte Claire de Montefalco obtint de son époux céleste qu’il lui gravât sur le cœur la croix et tous les instrumens de son martyre. Aussi le biographe de la sainte, le père Rabby, déclare-t-il qu’elle surpassa tous ceux qui avaient reçu les stigmates.

Ainsi graduellement se complétaient dans la personne des extatiques les circonstances de la passion. Ce drame douloureux était l’objet de leur méditation constante et excitait vivement leur sensibilité. Il est vraiment curieux de voir à quel point certains mystiques étaient arrivés à participer aux souffrances du Sauveur, ou, pour me servir de leur langage, à porter sa croix. Une pieuse fille, Marguerite Ebnerin, avait acquis, par exemple, un tel degré de sensibilité, qu’à la vue seule d’un crucifix, elle fondait en larmes et pleurait jusqu’à l’épuisement de ses forces. Ces femmes tombaient dans un véritable état de monomanie mélancolique qui rappelle celui où se trouvent quelques aliénés lypémaniaques. Les extatiques arrivaient par degrés à suivre toutes les phases de la passion, à s’identifier avec les souffrances du Sauveur de façon à assister en esprit aux diverses scènes qui avaient marqué la mort du Christ. C’est ce qu’on remarque dans la vie de plusieurs des stigmatisés. Agnès de Jésus, en assistant mentalement à ces tableaux émouvans, partageait si vivement les douleurs physiques et morales dont elle était témoin, qu’elle les ressentait successivement. C’est aussi ce qui est rapporté de Jeanne de Jesu-Maria, de Burgos. Depuis le mercredi jusqu’au vendredi soir, elle tombait dans une extase durant laquelle passait devant ses yeux toute l’histoire des souffrances du Christ, qu’il lui était donné de partager, et pendant vingt ans ces accès de contemplation