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prussienne du 13 octobre, en réponse à la note autrichienne du 30 septembre. Il s’agit toujours de savoir quel est le sens du traité du 20 avril et si la convention austro-prussienne est restée en vigueur après la retraite des Russes derrière le Pruth, quelle est la portée réelle de l’occupation des provinces du Danube par l’armée autrichienne, comment on peut s’entendre pour proposer à la diète une résolution commune au sujet des quatre conditions de paix du 8 août. La véritable importance de ces débats diplomatiques, c’est qu’ils marquent nettement la situation des deux grandes puissances allemandes dans les complications présentes ; leur dernier mot à travers toutes les circonlocutions les plus subtiles, c’est que la Prusse aurait voulu ne rien faire et le voudrait encore, tandis que l’Autriche accepte les chances d’une politique qui s’est décidée avec lenteur, mais qui se sent arrivée à la limite extrême de la temporisation.

S’il est en effet une chose qui ressorte clairement de la vive et pressante argumentation du cabinet de Vienne dans ses deux notes du 30 septembre, dont l’une avait un caractère confidentiel, c’est qu’il a pris son parti sur deux ou trois points essentiels, qui peuvent incontestablement d’un jour à l’autre le mettre en état d’hostilité déclarée avec la Russie. Ainsi l’Autriche n’abandonne nullement son droit de coopérer plus activement à la guerre ; elle le revendique au contraire, en manifestant l’intention de ne point attendre la paix des efforts et des combats d’autrui, pas plus qu’elle ne se montre disposée à supporter indéfiniment les sacrifices nécessités par sa position actuelle. L’Autriche n’est pas moins formelle en ce qui touche le sens de l’occupation des principautés par ses troupes. Elle ne se reconnaît aucun droit d’entraver les opérations de l’armée turque, non plus que celles des armées alliées contre le territoire russe ; c’est là justement ce qu’elle a refusé de garantir au cabinet de Saint-Pétersbourg. Elle est dans les provinces du Danube pour les défendre contre une invasion nouvelle, cette invasion se produisît-elle à l’occasion d’une attaque quelconque qui ne serait pas de son fait, et dans ce cas, où elle serait restée dans la limite défensive tracée par le traité du 20 avril, elle ne voit pas comment ce traité n’aurait point tout son effet. Tel est le sens des dépêches par lesquelles le cabinet de Vienne réduit à sa valeur l’argumentation de la Prusse. La Prusse déclare le traité du 20 avril périmé par le fait même de la retraite des Russes, et l’Autriche lui répond victorieusement que cette retraite, fondée sur des motifs stratégiques, n’a rien d’irrévocable, n’offre aucune garantie. La Prusse affecte d’attribuer un caractère exclusif à l’occupation des provinces du Danube par les troupes impériales, et l’Autriche lui montre avec évidence qu’elle ne peut exclure ni la Porte, qui est la souveraine des principautés, ni les puissances occidentales, qui ont acquis le droit d’y entrer.

Ce qu’il y a de singulier, c’est la prétention implicitement émise par le cabinet de Berlin de diriger l’action de l’Autriche, de lui dicter un rôle, lorsque lui-même il n’a pas fait mouvoir un soldat et ne s’est imposé aucun sacrifice pour une politique qu’il a cependant contribué à créer. Quel est donc cet intérêt allemand dont nous ne connaissons jusqu’ici l’existence que par une inaction érigée en théorie ? Comme si on ne connaissait pas assez ce fanatisme d’inaction, le cabinet de Berlin prend le soin de le rappeler encore