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jusque-là ce soit un gouvernement divisé qui préside aux destinées de l’Espagne. La lutte d’influences existe depuis le premier jour ; par momens cependant elle éclate d’une manière plus sensible, et alors c’est une crise menaçante, comme il est arrivé il y a peu de jours. C’est au sujet des questions les plus graves que les dissentimens se sont manifestés dans le cabinet espagnol. Il s’agissait d’abord de savoir si le gouvernement présenterait un projet de constitution au congrès. La portion la plus modérée du ministère pensait que le gouvernement devait proposer ce projet ; mais le duc de la Victoire a fait triompher l’opinion de la minorité du conseil, qui voulait laisser aux cortès une pleine initiative. Il s’agissait en outre d’une levée de troupes d’autant plus nécessaire que les derniers licenciemens ont désorganisé l’armée. Ici encore, l’opinion de la majorité, favorable à cette mesure, a dû céder devant l’opinion contraire d’Espartero, ou plutôt du général Allende Salazar, qui est le conseiller du duc de la Victoire. Il y avait enfin une question plus grave, qui était celle de savoir si la reine ouvrirait en personne les cortès. La présence de la reine devant le congrès était, selon quelques révolutionnaires, une atteinte portée à la liberté du corps constituant. La reine elle-même a tranché cette question en exprimant la volonté d’inaugurer les cortès nouvelles. Quoi qu’il en soit, à la suite de ces faits, une sérieuse, mésintelligence paraît avoir éclaté entre le duc de la Victoire et le général O’Donnell. Les deux généraux cependant ont fini par se remettre d’accord pour le moment, et maintenant c’est devant les cortès que nous retrouverons toutes ces luttes d’opinions et de partis qui travaillent l’Espagne, et qui ont remis en doute tout un ordre politique qu’on croyait affermi, ch. de mazade.



LA REACTION ABSOLUTISTE EN DANEMARK.

Le parlement danois vient d’être encore dissous, le 20 octobre dernier, trois semaines seulement après sa nouvelle réunion. Chacun prévoyait ce nouvel épisode de la crise parlementaire en Danemark. Un funeste malentendu prolonge ces débats, qui mettent en péril l’existence de ce petit royaume^ et que la diplomatie occidentale sera peut-être seule capable de faire cesser. Nous avons assez souvent exposé dans la Revue[1] comment s’est nouée cette inextricable question danoise pour pouvoir nous dispenser de la reprendre ici dès le commencement. On se rappelle en résumé qu’en 1848 le roi Frédéric a doté de lui-même le Danemark d’une constitution fort libérale, qui a été publiée pendant l’année suivante. Comme les duchés de Lauenbourg, de Slesvig et de Holstein étaient à cette époque en pleine insurrection et occupés par l’armée prussienne, complice de la révolte, la constitution ne fut pas immédiatement étendue à ces trois pays ; on l’appliqua seulement au royaume proprement dit, c’est-à-dire au Jutland et aux îles. Les amis des institutions libérales espéraient qu’aussitôt la guerre terminée, les duchés,

  1. Voyez notamment la livraison du 15 novembre 1853.