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arrêts de parlement par lesquels Richelieu croyait avoir besoin de préparer ses envahissemens de la Lorraine, donnait l’idée d’une puissance qui n’était pas sans justice et sans lois. Entre la Lorraine et la France, ce n’était donc pas l’esprit de liberté luttant contre l’esprit de servitude; c’était une liberté locale et contente d’elle-même qui répugnait, plus faiblement chaque jour, à se perdre dans les institutions moins favorables et moins connues d’elle d’une grande nation voisine.

Quoiqu’il en soit, ce côté constitutionnel du sujet historique traité par M. d’Haussonville méritait bien une place à part dans ses recherches et ses récits. Tout le monde sait avec quel plaisir on suivait encore, il y a vingt ans, ces vestiges du droit, ces premières traces de libertés politiques et d’administration régulière et tempérée qui se rencontrent partout dans les monumens de l’histoire des communes en France. Un état longtemps souverain comme la Lorraine prête encore mieux à cette étude, et il est certain que l’esprit général des habitans, leur sens droit et industrieux, leur goût de la justice, semblaient très-heureusement s’adapter aux institutions de forme un peu démocratique qu’ils avaient reçues de bonne heure et qu’ils gardèrent longtemps. Chose remarquable : en Lorraine, les corps privilégiés même concouraient au maintien du droit commun. Le peuple tenait à sa liberté, et la noblesse était protectrice du peuple. Cette disposition ne se marquait cependant par aucun esprit d’indiscipline et de soulèvement, mais par de sages représentations, faites avec fermeté dans tous les rangs, et auxquelles accédait le souverain. M. d’Haussonville en donne, dès la première partie de son histoire, un exemple fort curieux, antérieur il est vrai à l’imprudent Charles IV. Évidemment toutefois la même tradition se maintenait dans la gestion intérieure du duché, et les excès, les fautes qui compromirent le prince tenaient surtout à sa conduite plus ou moins inhabile et présomptueuse avec l’étranger. Voici l’exemple cité par M. d’Haussonville, et que cent ans plus tard n’imitait guère la France. Le duc Charles III, à la suite des longs troubles de la ligue, trouvant son trésor chargé de plusieurs emprunts dont l’intérêt lui semblait une lourde charge, voulut en réduire le taux. Pareil coup d’état de la part d’un prince débiteur était alors et longtemps après chose fort commune. Nous voyons, au temps de Louis XIV, le poète favori du roi plaisanter sur les édits de réduction.

……….. Plus pâle qu’un rentier,
A l’aspect d’un arrêt qui retranche un quartier.

Cela ne se faisait pas ainsi en Lorraine. « La sensation fut grande, dit M. d’Haussonville, quand on apprit l’intention de Charles III.