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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 novembre 1854.

Il n’est personne aujourd’hui en Europe dont le regard ne reste obstinément, invinciblement fixé sur ce coin de terre orientale où s’agite la grande question du moment. Aussi quoi de plus émouvant ! quoi de plus propre à saisir l’attention universelle ! Parmi ces forces qui sont en présence et qui se heurtent chaque jour, sans compter les soldats de la Turquie, il y a les armées de trois des plus puissantes nations du monde. Le point qu’on attaque et que défend l’armée du tsar, c’est une place lentement créée, fortifiée par une longue préméditation d’une manière formidable ; c’est l’œuvre de prédilection de la politique russe dans la Mer-Noire ! Et cette citadelle elle-même, prix d’un combat acharné, cette citadelle de Sébastopol ne laissera que des ruines au vainqueur ! Tout contribue, comme on voit, à rehausser les événemens actuels de la Crimée, — et la nouveauté d’une telle guerre, et la grandeur du but, et l’importance des forces qui se mesurent, et les sanglantes péripéties qui accompagnent cette lutte, qui précèdent le dernier assaut livré à Sébastopol. Chercher à rabattre de l’énergie de la défense, à rabaisser les efforts des Russes, ce serait d’un singulier et bien étroit patriotisme ; — ce serait rabaisser en même temps les efforts et l’héroïsme des armées assaillantes. La vérité est que les Russes soutiennent la lutte avec une courageuse ténacité ; ils multiplient les diversions et les tentatives pour briser ce réseau de fer et de feu qui les enveloppe, et qui se resserre de plus en plus autour de la ville assiégée. Ils défendent Sébastopol mieux qu’ils n’ont attaqué Silistria. On voit qu’il s’agit d’un des plus inaccessibles asiles de leur puissance. Seulement, quelque désespérée que soit la résistance de l’armée russe, la vigueur de l’attaque égalera ici la vigueur de la défense, elle la surpassera par un dernier effort, nous n’en doutons pas, et les trois drapeaux victorieux iront flotter sur les murs de Sébastopol, comme ils flottent déjà sur les positions environnantes, chaque jour rapprochés du but poursuivi par nos soldats. Nous touchons donc, on peut