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veau ? On a pu le remarquer récemment, il est impossible de différer plus que ne le faisaient les deux principaux cabinets de l’Allemagne dans leur manière d’envisager la crise actuelle et les devoirs de leur propre politique. Autant la Prusse employait d’efforts de subtilité et de zèle à compromettre l’Autriche dans son immobilité, autant la cour de Vienne mettait de netteté et d’insistance à affranchir sa situation des inextricables entraves qu’on cherchait à lui créer. Si rien n’est venu changer en fait l’attitude expectante que l’Autriche a prise depuis l’origine, et d’où elle n’est point matériellement sortie encore, elle ne soutenait pas moins avec une ferme décision les quelques principes essentiels qui la mettent en communauté de vues et de politique avec les cabinets de l’Occident. Elle répudiait hautement cette situation étrange d’une puissance qui d’avance se lie les mains et se condamne à l’inaction dans une affaire où tous ses intérêts sont engagés. Elle maintenait son droit d’agir et d’intervenir par les armes contre la Russie à son jour et à son heure. Elle restituait à son occupation des principautés son vrai caractère, qu’on dénaturait en transformant cette occupation en une neutralité armée. Elle interprétait enfin la convention du 20 avril dans le sens le plus large, celui d’une coopération éventuelle de l’Allemagne à la guerre. Il y a peu de jours encore, dans une dernière dépêche du 23 octobre au cabinet de Berlin, M. de Buol résumait ces considérations principales propres à définir nettement la situation du gouvernement impérial, en insistant pour que la Prusse comprît ses devoirs dans toute leur étendue. Qu’en faut-il conclure ? C’est que, s’il y a un rapprochement véritable entre les deux cours allemandes, ce ne saurait être sans doute par suite d’un désaveu que l’Autriche infligerait à ses déclarations précédentes, à une politique qu’elle a si récemment et si catégoriquement professée.

Est-ce de la Prusse que viendraient les concessions ? La Prusse n’est point, à ce qu’il paraît, à bout de médiations et d’interventions, qui l’engagent, il est vrai, aussi peu que possible. Le cabinet de Berlin a donc imaginé un dernier expédient, terme suprême de sa puissante initiative. Il a tenté un dernier effort à Saint-Pétersbourg pour faire accepter par le tsar les quatre garanties dites du 8 août, et en même temps il s’adressait à Vienne pour obtenir du cabinet impérial l’engagement de se contenter désormais de ces garanties. Il sollicitait de l’Autriche une conduite sage, inoffensive, en un mot de nature à ne point inquiéter la Russie sur le Pruth, moyennant quoi il n’était pas loin d’entendre la convention du 20 avril d’une manière un peu plus large relativement aux éventualités qui pourraient naître encore de l’occupation des principautés. En définitive, la cour de Berlin demandait au cabinet de Vienne ce qu’elle lui a toujours demandé, — de l’imiter, de ne rien faire dans le présent et de s’engager à ne rien faire dans l’avenir. Nous ne savons au juste ce qu’a répondu l’Autriche. La réponse cependant paraît bien simple, elle est dictée par le bon sens, et c’est probablement celle qui a été faite. Quant aux garanties du 8 août, comment déclarerait-on immuables des conditions de paix déterminées, lorsque la guerre est dans tout son feu, lorsqu’elle peut d’un instant à l’autre changer la face des choses ? N’y a-t-il pas une puérilité singulière à venir solliciter ces engagemens, qui consisteraient à dire d’avance à l’agresseur le prix auquel il peut troubler le repos du monde pendant des années, quelles que soient les chances de la guerre ? D’ailleurs