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tout ce qu’on peut savoir et conjecturer sur quelques-unes de ses pièces, sur les sujets qu’il traitait de préférence, les personnages habituels, le plan, l’intrigue, la perfection de cette comédie, l’influence qu’elle a exercée. Nous ne la connaissons que par les trop rares et trop courts fragmens qui nous en restent, et qui n’ont été sauvés que grâce aux citations qu’en faisaient fréquemment les moralistes postérieurs, les grammairiens, les pères de l’église, saint Justin, saint Clément d’Alexandrie, Athénée, Stobée, et d’autres encore. On la devine aussi d’après des imitations ou traductions qu’en ont faites les comiques latins, et que les juges les plus compétens mettaient bien au-dessous de l’original. César appelle Térence un demi-Ménandre, et il l’admire déjà à ce titre ; qu’on juge par là de l’élévation à laquelle on plaçait le poète grec qui avait laissé cent cinq comédies, dont le plus grand nombre passaient pour des chefs-d’œuvre ! Pour le reste, il faut s’en rapporter à l’admiration unanime des meilleurs critiques de la Grèce et de Rome, qui tous nous donnent Ménandre comme le type le plus parfait qu’ils pussent concevoir. D’ailleurs ces morceaux précieux, « poussière de marbre brisé, » comme les appelle si excellemment M. Villemain, justifient autant qu’il est possible cette admiration pour le poète, méconnu pourtant de ses contemporains. Très simple dans sa diction, rempli de sentences enchâssées sans effort et qui roulent naturellement avec le courant du dialogue, plein d’âme et de mouvement, Ménandre passe du gracieux au grave et de la passion au raisonnement avec une certaine mélancolie que son temps pouvait inspirer, mais qui était peut-être en lui comme elle était dans Molière. On trouve partout dans ses fragmens le ton aisé et la souplesse naturelle de la meilleure conversation, un peu rehaussée pourtant, comme l’exige la Muse, qui ne consent