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il chercha la forme du torse et des membres avec autant de soin que la forme des lèvres. Qu’une telle préoccupation semble aux esprits inattentifs dépasser les limites assignées au travail humain, je ne m’en étonne pas ; mais pour ma part je crois que dans le domaine de l’art on ne vise jamais trop haut. Thor et Balder prouvent que Fogelberg était du même avis.

Parmi les statues historiques de Fogelberg, il y en a trois qui méritent une attention spéciale et qui peuvent être considérées connue des chefs d’œuvre d’élégance et de vérité : je veux parler de Birger Jarl, de Gustave-Adolphe et de Charles XII. Les deux premières ont été exécutées ; il n’existe de la troisième qu’une esquisse en plâtre. Birger Jarl, fondateur de Stockholm, est vêtu d’une cotte de mailles. Il a dans son visage une mâle énergie qui rappelle fidèlement le caractère de sa vie. Pour donner au modèle des lignes harmonieuses, l’auteur a jeté un manteau sur ses épaules ; mais ce manteau n’enveloppe pas le guerrier, et laisse à découvert toute son armure. Je ne crois pas que personne songe à contester l’expression virile et militaire de Birger Jarl. Fogelberg, en composant cette statue, travaillait-il d’après des renseignemens authentiques ? Je l’ignore. S’il a dû inventer le visage de Birger Jarl, il a fait preuve, dans l’accomplissement de cette tâche, d’une grande finesse d’imagination. S’il n’avait pas sous les yeux le portrait du guerrier qu’il voulait représenter, il l’a créé avec un rare bonheur. Ce que j’admire dans cette statue, c’est la franchise de l’allure. La cotte de mailles dont le modèle est revêtu n’enlève rien à la souplesse du torse et des membres. Il y a tant de naturel dans la pose, qu’on s’attend à le voir marcher. C’est un éloge qui s’applique, à bien peu de statues, surtout lorsqu’il s’agit d’un guerrier du moyen âge. Quand le modèle est nu ou vêtu d’un costume antique, l’expression de la souplesse ne présente pas les mêmes difficultés. C’est pourquoi le Birger Jarl de Fogelberg me parait être une des œuvres les plus considérables de l’art moderne. L’auteur, pleinement pénétré de la nature de son sujet, en a compris tous les écueils, et n’a rien négligé pour les éviter. Qu’il ait ou qu’il n’ait pas tâtonné longtemps avant d’adopter le parti auquel il s’est arrêté, peu nous importe : ce qu’il y a de certain, c’est qu’il a pris un parti excellent, et que son Birger Jarl est vivant.

La statue de Gustave-Adolphe concilie merveilleusement l’élégance et la majesté. Le visage exprime la résolution et le commandement. Le costume, ajusté avec une rare habileté, offre des lignes heureuses. Il serait difficile d’imaginer un ensemble plus harmonieux. Quand je compare cette statue historique, dont tous les détails sont rigoureusement vrais, aux statues composées chez nous sur