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des données analogues, je veux dire sur des données empruntées à l’histoire moderne, je ne puis m’empêcher d’insister sur l’importance des études générales pour les arts du dessin. Il est évident que Fogelberg n’aurait jamais conçu Gustave-Adolphe tel qu’il l’a représenté, s’il se fût borné à l’étude exclusive de son métier. Il y a dans cet ouvrage une liberté, une aisance, un naturel qui révèlent une connaissance parfaite, une connaissance familière du modèle. Pour atteindre à ce degré de vérité, il faut quelque chose de plus que la pratique matérielle de la statuaire ; il est indispensable d’avoir vécu par la pensée avec le modèle qu’on veut représenter. Or c’est précisément cette dernière et suprême condition qui est trop souvent méconnue par les sculpteurs de notre pays : ils se contentent trop volontiers de renseignemens vagues ou recueillis à la hâte. Comme ils ne se sont pas préparés par des études générales aux investigations que réclame une telle tâche, ils se préoccupent du plaisir des yeux beaucoup plus que de l’émotion ou de la pensée. Tant qu’on n’aura pas introduit des élémens nouveaux dans l’éducation des artistes, il est à craindre qu’il n’en soit encore longtemps ainsi. Ceux qui se résoudront à cultiver solitairement leur intelligence ne formeront jamais qu’une très faible minorité. Ce qui s’acquiert sans effort par l’éducation commune s’acquiert difficilement par l’éducation solitaire. Fogelberg appartenait à la minorité dont je viens de parler. Il avait été mis de bonne heure en apprentissage chez un ciseleur, et s’il n’eût pas possédé une grande persistance de volonté, il est probable qu’il eût passé sa vie à modeler des chandeliers ; mais il sut, par son énergie, par sa persévérance, suppléer à ce qui lui manquait. Il apprit par lui-même ce que son père ne pouvait lui apprendre, ce que ses premiers maîtres ne lui avaient pas enseigné. La statue de Gustave-Adolphe, placée aujourd’hui à Gothenbourg, est là pour attester l’excellence et l’utilité des études générales auxquelles il s’était résolu.

Quant à la statue de Charles XII, qui malheureusement n’a été traduite ni en marbre ni en bronze, mais dont le modèle a été recueilli avec un soin religieux par les amis de l’auteur, elle n’est pas moins intéressante que celles de Birger Jarl et de Gustave-Adolphe, et forme avec elles un contraste piquant. Quelque chose en effet dans ce dernier ouvrage révèle le soldat plus passionné pour les aventures que pour la puissance. Il n’y a qu’une intime connaissance de l’histoire qui puisse conduire à une telle conception. Je ne parle pas de l’élégance du costume, c’est le moindre mérite de cette œuvre. Ce qui me frappe dans l’image de Charles Ml, c’est l’expression fidèle de son caractère. Son visage et son attitude semblent défier la mort.