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Un autre fait plus décisif peut-être vient encore confirmer la nature embryonnaire des larves. Nous avons vu dans la première partie de ce travail que toute monstruosité était nécessairement congéniale, et remontait à l’époque où l’organisme est en train de se constituer. Or on a constaté plusieurs fois l’existence de véritables monstruosités chez les insectes adultes. Les exemples d’hermaphrodisme ne sont pas très rares dans les collections. Si dans la majorité des cas les amateurs ont conservé précieusement ces curieux échantillons, au lieu de les livrer au scalpel des anatomistes, il s’est parfois rencontré des hommes animés d’un esprit plus réellement scientifique. C’est ainsi que Rudolphi a pu disséquer un individu qui portait extérieurement la livrée des deux sexes, et constater qu’il était également monstrueux à l’intérieur, retrouvant ainsi chez un papillon nocturne une des anomalies les plus rarement constatées chez les vertébrés.

Chez les insectes comme chez ces derniers, on a d’ailleurs rencontré des individus dont les membres étaient multipliés outre mesure. Plusieurs observateurs ont décrit chez des coléoptères des pattes doubles ou triples, comme Meckel en avait vu chez an canard, et M. Geoffroy chez un mouton.

A la rigueur, on pourrait se demander si les monstruosités précédentes appartiennent bien réellement à cette période de la vie dont il s’agit en ce moment de déterminer la nature. Rien ne s’opposerait en effet à ce qu’on les fît remonter jusqu’au temps du développement dans l’œuf; mais il n’en est pas de même des suivantes. Les antennes n’existent pas chez la larve, et on a vu des coléoptères à antennes multiples. Stannius a décrit une abeille neutre dont les yeux composés, réalisant comme ceux de certains fœtus humains la fable du cyclope, s’étaient soudés en une seule masse sur la ligne médiane et étaient en outre remontés jusque vers le sommet de la tête. Dans ces deux cas, on peut préciser le moment où le travail de l’organisation normale a été troublé. C’est vers l’époque de la dernière mue, alors que la larve se préparait à devenir nymphe, que la cause perturbatrice a agi. C’est encore à cette période du développement que doivent être rattachés des monstres dont la bizarre structure résout d’une manière plus absolue encore la question qui nous occupe. Nous voulons parler de ces insectes qui, à l’état parfait, présentent quelques-uns des caractères de la larve. Tels sont